Donner le temps au temps pour restaurer de Notre-Dame

Le dossier de restauration (et non de reconstruction comme cela est souvent indiqué) de Notre-Dame ne cesse pas de créer réactions et sur réactions, des avis de tous ordres, des conseils émanant de personnes plus ou moins compétentes, d’étrangers et de Français. Chacun croyant apporter sa pierre à la réflexion et aux mesures à mettre en œuvre. Tout cela en un temps record, l’incendie ayant eu lieu il y a tout au plus 10 Jours.

Quels constats pouvons-nous faire aujourd’hui ?

Tout d’abord le politique s’est instantanément saisi du dossier et au travers des déclarations et discours, il est affirmé que la « reconstruction » sera exceptionnellement rapide. Ce qui fait dire à certains que la proximité des JO l’emporte sur toute autre considération et que le temps n‘est pas laissé au temps pour agir dans les meilleures conditions, selon les meilleures techniques et avec les meilleurs intervenants. Des spécialistes de l’art, du patrimoine,experts et architectes plutôt réservés ordinairement s’inquiètent et n’ont pas hésité à signer une pétition pour recommander au Président de la République de prendre le recul nécessaire afin de mener à bien et sans précipitation ce gigantesque chantier. Ils ont bien raison car seule la phase incontournable du diagnostic finalisée permettra de définir les phases ultérieures et leur séquencement. Encore faut-il que la sécurisation de la construction soit assurée, or elle ne le sera que dans 4 mois.

Chaque jour apporte son lot de projets depuis qu’un concours de reconstruction de la flèche a été annoncé. Déjà des propositions, certaines vraiment curieuses, fuitent dans la presse, les réseaux sociaux ou sur internet. Mais l’opinion générale, et c’est notre sentiment, penche davantage pour une reconstruction de la flèche à l’identique. Les descendants de Viollet-Le-Duc inquiets de la tournure de cette affaire ont déjà fait savoir qu’en tant que détenteurs du droit moral, ils n’imaginaient pas d’autre solution que de refaire à l’identique l’œuvre de leur aïeul.

L’abondance de dons, dans un élan inattendu des Français et des étrangers faut-il le souligner, mais aussi la loi d’exception pour la restauration de la cathédrale ne risquent–elles pas de faire fi d’expériences et de pratiques acquises au fil du temps dont nous aurons grand besoin pour réussir.

De nombreux miracles se sont produits, excepté la charpente détruite et une partie de la voûte endommagée, la grande majorité des trésors et œuvres que recelait Notre–Dame a pu être sauvée, y compris les vitraux les plus anciens et le grand orgue monumental. La construction dont la charpente, la fameuse forêt, ont eu cette chance de faire l’objet avant l’incendie d’un relevé 3D extrêmement précis indispensable pour faciliter le travail de restauration.

Des voix s’élèvent aussi pour profiter de cet élan de générosité, les dons étant a priori déjà supérieurs aux besoins et faire que le surplus soit utilisé pour restaurer les églises dont beaucoup sont dégradées en particulier à Paris faute d’un entretien digne de leur valeur patrimoniale. C’est sans doute l’un des points positifs du drame qui a frappé la capitale. Nos églises, nos cathédrales et lieux de culte ont été redécouverts avec une prise de conscience collective qu’un tel patrimoine ne pouvait être livré à l’encan. C’est aussi une façon de remette à l’honneur les métiers d’art, du tailleur de pierre au couvreur, en passant par le charpentier, le maçon, le sculpteur, le « vitrailliste », le restaurateur de peintures et de fresques ou le facteur d’orgue. Le chantier de Notre-Dame est un véritable appel d’air en termes d’offres d’emplois et de nouvelles vocations pour tous ces métiers du savoir-faire français insuffisamment valorisé.  Les professionnels évoquent déjà un manque de main d’oeuvre pour satisfaire les besoins de restauration.

Le dernier volet de ce dossier qui inquiète est celui de voir réapparaître le « rapport » commandé par François Hollande en 2015 dont objectif est  de de restructurer l’Ile de la Cité jugée trop administrative. Il faut en effet  retrouver une destination au Palais de justice, à  l’Hôtel Dieu, revisiter le Marché aux fleurs… Les propositions faites par Dominique Perrault et le Président du Centre des Monuments Nationaux pour transformer l’île en une « île monument » avec 35 chantiers définis dont des quais revisités, un parvis en verre, des débarcadères, des plates-formes flottantes amarrées sur la Seine (avec cafés, promenades, piscine), des voies de communication souterraines et bien d’autres restructurations aux objectifs souvent jugés mercantiles … ne manquent pas d’inquiéter,  Puisse Notre-Dame et le site classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO ne pas devenir prétexte à reprendre ces propositions.

 

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