Le patrimoine, grand absent du débat électoral

L’historien Alexandre Gady, président d’honneur de l’association des sites et monuments a récemment signé une tribune (Le Figaro du 06 mars 2020) dans laquelle il exhorte les candidats à la mairie de Paris de s’intéresser davantage au patrimoine de la Ville. Il fustige les propositions loufoques qui émaillent la campagne qu’il s’agisse des aménagements et du déplacement des gares de l’Est et du Nord aussi bien que l’annonce consistant à vouloir planter 170 000 arbres… Des annonces impossibles à mettre en œuvre ajoute–t-il. Ecartant les sujets présentés comme les plus prégnants (propreté, endettement, surdensité et chaos de la circulation) il s’attache plutôt au patrimoine, la situation des églises, celle des musées et enfin l’avenir de l’espace public.

Alexandre Gady fustige malgré quelques restaurations menées (dont celles de Saint-Paul Saint-Louis et Saint Gervais Saint-Protais) le peu de travaux entrepris pour le patrimoine religieux et l’absence d’un plan cohérents qui permettrait de faire plus et beaucoup mieux, insistant sur le fait qu’ils sont plus menées au gré des chutes de pierres ou suite à l’incendie de Notre-Dame pour laquelle il a été possible de déloquer instantanément 50 millions €, somme qui aurait pu servir à renforcer le budget de restauration des lieux de culte pour lesquels la municipalité avait prévu sur l’ensemble de la a mandature 80 millions €. Selon l’auteur de l’article il faut lancer d’urgence un « plan église » pour les 10 années à venir…

Concernant les musées est pointée du doigt la gratuité des collections permanentes qui entraîne de moindre recettes bien que la fréquentation ait augmenté. Ce qui induit des budgets d’acquisition bien pauvres pour une capitale comme Paris. l’historien se félicite cependant de certaines restaurations entreprises dont celle du musée Carnavalet et regrette la fermeture en juin 2012 du musée de l’Assistance publique quai de la Tournelle , l’Hôtel de Miramion qui abritait ses riches collections ayant été vendu, l’idée de le transférer à l’Hôtel Dieu n’ayant plus cours….du fait de la privatisation de l’ancien hôpital qui ne servir pas ,on plus de musée pour Notre-Dame comme cela existe à Strasbourg qui dispose du musée de l’œuvre accolé à la célèbre cathédrale.

Sur l’espace public, les critiques d’Alexandre Gady relatives à « cet héritage fragile et un bien commun qui incarne l’esprit de Paris » aboutissent à un « bilan pathétique », citant « l’effacement historiques »… « le mobilier urbain au-dessous du médiocre » (notamment les kiosque à journaux et les bancs forestiers), les occupations et privatisations indues (la grande roue, les fêtes du Champ de Mars). Sur le verdissement de la capitale Alexandre Gady rappelle à juste titre qu’ Haussmann a créé moins de jardins qu’il n’en a supprimés mais cela ne donne pas le droit de « planter n’importe où » des forêts urbaines, y compris devant les monuments (Opéra Garnier, Hôtel de Ville ou place de la Concorde). Il pointe le bétonnage à tous crins ayant des Serres d’Auteuil à « l’échec de l’aménagement de la ZAC des Batignolles » où seulement 10 ha ont été transformés en parc sur les 50 ha disponibles !

En conclusion Alexandre Gady, nous sommes tout à fait en phase avec sa vision, prône pour le patrimoine parisien, « un débat sérieux et des projets inscrits dans une réflexion sensible à long terme » (budgets, besoins, financements publics et privés, mécénat, articulation entre les monuments et les nouveaux jardins, maintien de l’esprit de Paris, la vision et le consensus devant l’emporter sur l’idéologie.

Ajoutons qu’Alexandre Gady n’est pas le seul à défendre cette approche et à émettre des critiques. Dans un livre « Ceci n’est pas une tulipe » (Editions Fayard), Yves Michaud se penche sur la « touristification et le rôle de l’art contemporain dans les villes ». L’ancien directeur de l’Ecole des Beaux se demande, parmi les sujets débattus dans le cadre des municipales , » comment éviter la transformation de la capitale en parc d’attractions de la consommation touristique haut de gamme ». Il se pose la question de l’intérêt de créer une grande coulée verte et cyclable allant du Trocadéro à l’Ile Saint-Louis, sinon de favoriser « les bistrots à la mode avec bande-son comme à Ibiza, les personnels nettoyants , les tour-opérateurs, les vendeurs de souvenirs » et les propriétaires qui loueront via les plateformes de location saisonnière ? Fini les bars du coin sans musique, fini le dépaysement pour les touristes. Quant au bouquet de Jeff Koons (30 tonnes, 11 m de haut) qui, souligne-t-il n’a pas grand-chose à voir avec les attentats du Bataclan, il est qualifié d’ « in-signifiant » l’auteur s’indignant aussi de « la privatisation désinvolte des décisions en matière de décoration urbaine… ». Yves Michaud demande « un moratoire sur les mobiliers artistiques ou non artistique » ajoutant qu’il ne « serait pas mal de laisser Paris et les villes intramuros tranquilles pour s’occuper des banlieues laissées à l’abandon ».

 

 

1 commentaire

  1. En plein accord avec les remarques et propositions d’Yves Michaud !

    Les élus entendront-ils ENFIN que les Parisiens refusent de voir leur ville se transformer en parc d’attraction.

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