L’histoire perturbée de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles

Confinée entre le boulevard de Sébastopol et la rue Saint-Denis qui, rappelons-le,est une ancienne voie royale qu’empruntaient les cortèges lors de l’entrée solennelle des rois dans Paris après leur couronnement ou lors des enterrements des rois de France en la Basilique de Saint Denis,  l’histoire de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles est intéressante à plus d’un titre. En effet, elle a été très fréquemment remaniée jusqu’à la suppression en 1857 de plusieurs de ses absides lors des grands travaux d’ Haussmann (sous la direction des architectes Jean-Baptiste Godde puis Victor Baltard), afin de percer le boulevard de Sébastopol.  L’église est aussi le siège de l’ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem qui a, entre autres, pour vocation, de soutenir et aider, notamment par une aide matérielle, les œuvres et les institutions cultuelles, caritatives, culturelles et sociales de l’Église Catholique en Terre sainte. Ce sont les chevaliers de cet ordre qui assurent la garde de la couronne d’épines lors de sa présentation aux fidèles.

Si nous revenons à l’origine de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles (un des rares édifices religieux subsistant en,core alors qu’ils étaient pourtant très nombreux le long de la rue Saint-Denis), elle fut d’abord une modeste chapelle dédiée à Saint-Gilles construite en 1235 par le moines de l’abbaye de bénédictins Saint-Magloire toute proche afin de donner un lieu de culte aux personnes qui travaillaient près et pour l’abbaye .  La chapelle devint la paroisse des habitants de ce domaine qui étaient regroupées dans le bourg dénommé « Bourg l’Abbé » tout proche.  Se révélant rapidement trop petite du fait de l’arrivée d’artisans dan,s les rues toutes tous proches (rues de la Ferronnerie, de la Lingerie, de la Chanvrerie…), une nouvelle église est construite en 1319 à l’emplacement de la nef actuelle et pris  le nom de Saint-Leu-Saint-Gilles deux saints ayant accompli des miracles et qui  étaient fêtés le même jour. L’église participa aux grands événements d’alors, notamment aux processions solennelles qui eurent lieu lors du départ de Saint Louis en Croisade en 1248 et lors du retour de son corps.  Saint-Leu-Saint-Gilles devint l’église des Chevaliers de l’Ordre du Saint-Sépulcre lorsque fut détruite en 1780 leur église toute proche.  A cette occasion fut aménagée sous le chœur la crypte qui sert à la tenue de leur chapitre.   L’édifice fut à plusieurs reprises  reconstruit et modifié en particulier en 1320, 1611, 1727 et surtout en 1780 qui est l’année de l’ajout d’une chapelle souterraine.

La Fabrique de Saint-Leu, une oeuvre philanthropique, était connue pour verser des pensions à des vieillards, distribuer du lait à des nourrices, fournir du linge aux sœurs pour les soins aux malades, financer des mises en apprentissage pour des enfants, distribuer du pain, de la viande, des médicaments aux plus nécessiteux de la paroisse etc…

Durant les guerres de religion,  plus spécialement entre 1612 et 1762, plusieurs curés furent arrêtés et interdits de fonctions ecclésiastiques pour avoir émis des théories théologiques jugées hérétiques ou pour avoir refusé d’administrer des sacrements. A la  Révolution l’église est fermée puis transformée en dépôt pour les réserves de salaisons des charcutiers de la section des Lombards, malgré les infructueuses tentatives de l’abbé Morel pour louer durablement l’édifice et le redonner au culte catholique. L’ église doit sont salut à l’abbé Martinet qui alla plaider sa cause en 1804 auprès de Napoléon Ier.  Des restaurations sont alors menées jusqu’à la remise à neuf du portail en 1848, mais l’église fut à nouveau malmenée est abîmée lors des émeutes de la révolution qui marqua la fin du règne de Louis-Philippe.

Durant cette période l’ordre des Chevaliers du Saint-Sépulcre, en 1819 fit transférer de l’abbaye de Hautvilliers prés d’Epernay dans la Marne les reliques de Sainte-Hélène. Ce n’est qu’en 1928, les chevaliers s’étant dispersés après la Révolution de 1830, que le cardinal Dubois, l’archevêque de Paris, célébra la cérémonie de « réintégration des chevaliers » et fit de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles la lieutenance de France de l’ordre (depuis mars 2000, les reliques de Sainte-Hélène sont dans la crypte de l’église dédiée aux  chevaliers de l’ordre (autrefois le reliquaire était suspendu au-dessus du maître-autel de l’église).  Rabotée de 5 m lors des travaux d’Haussmann, l’ensemble gagna en contrepartie, sous la houlette de Baltard la grande salle adjacente à l’église, pour servir de chapelle de la Vierge. Les événements de la Commune provoquèrent de nouveaux dégâts à intérieur du bâtiment suite à un bombardement volontaire. Le curé fut alors arrêté. La Mairie de Paris devint finalement propriétaire de ce bien ecclésiastique en 1905 lors de la loi de séparation de l’église et du clergé. Elle utilisa le presbytère pour y installer certains de ses services.

C’est grâce au Comité des Amis de Saint Leu – Saint Gilles, qui compta parmi ses membres fondateurs , le Maréchal Lyautey, Pierre Taittinger, Madame Maurice Barres… que des moyens financiers furent trouver pour la restructuration et l’entretien de l’église. L’abbé Panel fit placer en 1926 le Christ en croix, grandeur nature, sculpté par Cordonnier qui se trouve toujours dans la chapelle latérale. En 1935, fut fêté le 7e centenaire de l’église Saint-Leu – Saint-Gilles par Monseigneur Verdier, archevêque de Paris.

La vie paroissiale a repris une certaine vigueur dans un quartier en pleine  mutation avec l’arrivée en 1975-1976 de trinitaires  » une communauté d’élection, composée de prêtres, de religieuses dominicaines et de laïcs. »

Au plan architectural, l’église est de style gothique avec une façade principale et deux tourelles caractéristiques à base carrée, une nef unique sans transept. Des bas-côtés furent ajoutés au XVIe siècle. L’ intérieur est relativement simple mais on note un chœur plus élevé que la nef et de nombreux vitraux. L’ensemble est couvert d’une voûte d’ogives au-dessus d’une élévation à deux niveaux.  Parmi la statuaire, il faut citer le très joli  marbre « Sainte Anne et la Vierge » de Jean Bullant (1515-1578) et les « anges de la méditation et de l’intercession » de Jean-Louis Désiré Schroeder (1828-1898). Un bas relief  doré à l’or fin intitulé la « création du monde »  est d’un artiste anonyme.  Quant au retable du XVIe siècle formé de 3 bas reliefs en albâtre provenant du cimetière de Innocents, il est attribué à l’école anglaise de Nottingham.

Le grand orgue date originellement de la fin du XVIe-début XVIIe siècles, agrandi au cours des années par Guy Jolly (au milieu du XVIIe)  par Enocq en 1671, La totalité du buffet actuel est due à François-Henri Clicquot qui modifia considérablement l’orgue entre 1786 et 1788, ce qui en fait un instrument rare modifié sans grande modification par Louis Suret en 1855. Il est classé depuis 1915. Malheureusement victime d’un incendie en 1974, l’instrument, à l’arrêt, attend une sérieuse restauration.   L’orgue de chœur a été construit en 1855 par Suret.

 

 

Sources :  Communication de Christine Garcette du 10 octobre 2004 et divers documents et sites. 

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