Saint-Eustache, un panorama de l’art religieux du second Empire

S’exprimant sur l’église Saint-Eustache, Viollet-le-Duc, la qualifiait d’« amas confus de débris empruntés de tous les côtés (…)».
Cet édifice classique, imposant, dans lequel il avait été question, après l’incendie de Notre-Dame, de déplacer les offices de la célèbre cathédrale, date du XIIIe siècle. A l’origine, sur son emplacement actuel, était érigée une petite chapelle placée sous le patronage de Sainte-Agnès. Comme souvent, la population devenant de plus en plus nombreuse, des travaux d’agrandissement furent entrepris, puis l’ensemble fut remplacé au XVIe par un vaste édifice de cent mètres de long, de style gothique flamboyant à l’image de Notre-Dame ou de Saint-Merri, notamment au plan architectural. La première pierre fut posée en 1532 et l’église fut achevée en 1640, plu de 100 ans de travaux entrecoupés de périodes de pauses dues à l’absence de financement mais aussi aux guerres de religion.  Selon les spécialistes l’‘intérieur par sa richesse a des aspects de Renaissance italienne.

La façade n’est pas exceptionnelle car les travaux envisagés dès 1754 pour lui donner un autre lustre n’ont jamais pu être achevés et la Révolution est venue contrarier définitivement ce chantier pourtant placé sous la houlette de Jean Hardouin-Mansart. Lors des événements qui ont suivi 1789, Saint-Eustache est saccagée et transformée en temple de l’Agriculture. Le culte ne reprit qu’en 1803. Un grave incendie endommagea, en 1844, 3 travées, l’église fut restaurée par Victor Baltard. C’est aussi la cause de la présence de nombreuses peintures murales qui ont été alors réalisées. Il en subsiste cependant encore quelques-unes plus anciennes du XVIIème dans 3 chapelles. Toutes ces peintures sont bien visibles car l’église dispose d’une vaste verrière sur 3 niveaux d’élévation du fait de son exceptionnelle hauteur, 33m, les piliers disposant d’une riche décoration sur leur chapiteau.
L’orgue de la tribune, parmi les plus grands de France, est très célèbre. Il fut réalisé par Ducroquet et date de cette époque (1854). Sa dernière restauration a été menée en 1989 par le hollandais Van Den Heuvel. Le buffet très réussi a été exécuté à partir d’un carton de Victor Baltard lorsque l’église fut remeublée.  Le banc d’œuvre exécuté par Pierre Lepautre est l’un des rares exemples à Paris qui date de l’Ancien Régime.

Parmi les œuvres majeures figure la « Vierge à l’enfant » du sculpteur Pigalle, installée dans la chapelle Sainte-Agnès. Elle était destinée au Dôme des Invalides, après avoir été exposée au Salon de 1745. Elle fut achetée par la paroisse en 1804.  Le tableau « Les Pèlerins d’Emmaüs » provient très certainement de l’atelier de Rubens. Un panneau peint par Santi di Tito en 1575, « Tobie et l’ange », ainsi que la toile « l’Extase de Sainte-Madeleine » par Rutilio Manetti sont des butins de l’armée française en Europe. Le « Saint-Jean Baptiste » de François Lemoyne (1725), « Le martyr de Saint-Eustache » de Simon Vouet (1635) – tableau ayant appartenu au cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon Bonaparte, sont remarquables. Mais Saint-Eustache est souvent cité pour offrir un panorama de l’art religieux sous le Second-Empire, tant en matière de peinture (Théodore Couture, Auguste Glaise, Isidore Pils, Sébastien Cornu…) que de sculptures et bas-reliefs (Emile Chatrousse, Antoine Etex…) ou de vitraux (Gsell, Thévenot…).  Les rares vitraux d’origine parvenus jusqu’à nous sont ceux du chœur signés Antoine Soulignac. 

De nombreuses personnalités sont inhumées à Saint-Eustache, Colbert qui fut le paroissien le plus célèbre, son tombeau dû à Coysevox et Jean-Baptiste Tuby, à partir de dessins de Charles le Brun, est remarquable. On trouve aussi l’amiral de Tourville, le comédien Scaramouche, Rameau, François de l’Hôpital et Marivaux. Les obsèques de La Fontaine, de la mère de Mozart et de Mirabeau s’y déroulèrent. Quelques concerts célèbres ont marqué l’histoire de l’église, Berlioz dirigeant son Te Deum en 1855 ou Liszt dirigeant un an plus tard sa Messe solennelle. Plus récemment, évoquons aussi la mémoire du père Emile Martin, fondateur du Chœur des Chanteurs de Saint-Eustache, qui dirigea ses propres compositions. Des récitals d’orgues sont donnés chaque dimanche à 17h30.

Le transfert de l’activité des Halles sur Rungis a eu un effet sur Saint-Eustache dans la mesure où ce départ a marqué la fin du fleurissement des chapelles par les confréries qui en avaient la charge

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