La polémique est forte concernant le BHV à la suite de l’annonce faite par le dirigeant actuel d’une coopération avec le groupe chinois Shein (créé il y a seulement 13 ans) qui devrait investir 1 000m2 du 6e étage du vénérable magasin appartenant au groupe Société des Grands Magasins (SGM) et de 5 magasins Galeries Lafayette donnés en franchise en province (Reims, Angers, Dijon, Grenoble et Limoges). SGM étant placé sous la houlette de deux trentenaires. Ce choix prend une tournure politique car le géant de la « fast-fashion » est critiqué pour ses méthodes (il est question pour beaucoup « d’exploitation sociale », de son « opacité », de son emprise massive dans le secteur du textile et de la production de millions de petits colis générateurs de CO2…). Les élus parisiens ont demandé au dirigeant du BHV de revoir cette décision. Le groupe Galeries Lafayette a déjà annoncé qu’il empêcherait cette arrivée dans les magasins de province car elle serait contraire aux conditions d’affiliation (?). Il ne peut en revanche pas l’empêcher au BHV. Enfin la Fédération nationale de l’habillement a critiqué cette opération qui avait critiqué avec d’autres un premier accord entre Pimkie (en difficulté) et le même Shein. Notons que certaines marques ont aussitôt annoncé retirer leurs produits du BHV.
Il est vrai que la filière textile en Europe et en France spécifiquement est par là même très impactée par les « fast fashion » chinois, les plus importants étant Shein et Temu. Leur politique de massification à petits prix et de rapidité pour produire de nouveaux modèles est mortifère pour les concurrents qui ont un modèle davantage classique. Ces groupes asiatiques recevant des subventions massives de leur pays et qui ont énormément de clients n’hésitent pas semble t’il à bafouer les règles de concurrence, à contourner les règles du marché européen, notamment en matière de conformité des articles vendus, de sécurité et de publicité souvent mensongère. Des enquêtes de plusieurs régulateurs sont en cours (*). Ils ne sont pas non plus soumis aux mêmes normes que les industriels européens. Or le secteur textile est depuis plusieurs années très impacté, le développement de la seconde main est en vogue et produire des vêtements neufs polluants de « bas de gamme » selon les experts devient une aberration dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat de lutte pour le climat… Le législateur a d’ailleurs voté un texte en juin dernier à ce sujet afin de limiter l’expansion de l’ultra-fast fashion. Tout ceci alors que le commerce de détail souffre, où les centres-villes meurent concurrencés par ces groupes tentaculaires et la vente à distance.
Le président du BHV met en avant ses arguments. Il veut redynamiser le commerce en centre ville, attirer une clientèle plus jeune. Il explique aussi que le groupe Shein a modifié son modèle. Est-il pour autant plus conforme aux pratiques, règles et normes européennes ? Le débat n’est pas clos sur cette arrivée de Shein dans ces magasins et la polémique va durer. Que fera l’équipe dirigeante du BHV ?
Si l’on prend un peu de recul, il est sûr que lorsque le groupe Galeries Lafayette a vendu au groupe SGM le BHV, celui-ci n’était pas en bonne santé. Depuis les médias ont relaté des dysfonctionnements (retards de paiement, enseignes qui quittent leur corner, suppression de certains rayons [layettes notamment], regroupement annoncé pour l’an prochain du BHV Hommes avec le magasin principal, organisation de ventes aux enchères dans les locaux du magasin …). Relancer la machine n’est pas une simple affaire et le contexte actuel ne s’y prête pas. La question de la vente des murs n’est pas réglée et la Banque des territoires, c’est-à-dire la Caisse des dépôts et consignations, approchée pour investir dans le cadre d’une projet de foncière avec les propriétaires du BHV a fait savoir par un communiqué qu’elle n’était pas au courant de l’arrivée de Shein… Une épine supplémentaire pour les dirigeants.
Au-delà de cette polémique et du risque de l’extension de Shein saturant le marché, provoquant la fermeture de magasins, notre souhait bien entendu est que le BHV attaché au Marais et marqueur de notre quartier puisse survivre. Nous le savons, le modèle des grands magasins tel que nous le connaissions n’est plus adapté et il doit incontestablement évoluer. Reste à savoir comment et avec quels moyens ? Tout le problème est là, et il est particulièrement complexe. Reste à savoir comme le soulignent les médias si « Shein peut être le sauveur d’un secteur qu’il a contribué à affaiblir ? »
(*) Pour « redorer » son blason le groupe Shein s’était attaché jusqu’en juin dernier les services, en tant que conseiller de l’ancien ministre de l’intérieur, Christophe Castaner (?), par ailleurs président du conseil d e surveillance du port de Marseille Fos, président du conseil d’administration de la société Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc (ATMB) et de la société du tunnel routier de Fréjus (SFTRF) .
Sources: Les Echos, Le Figaro, La Réclame du 03 10 25