Le slogan provocateur « Tourists go home » employé pour titrer notre article est repris de pancartes brandies durant des manifestations fréquentes dans les villes nombreuses noyées sous les flots de touristes. Villes ayant perdu leur âme, où le prix de l’immobilier s’est envolé, où il est difficile de louer un logement à l’année, où les commerces de plus en plus standardisés au détriment des boutiques traditionnelles ne sont plus que bars, restaurants, ventes à emporter, prêt à porter et souvenirs. Les touristes remplacent les habitants chassés de leur ville (les loyers à l’année ont augmenté de 68% en 10 ans, 3 fois plus que les salaires!) créent des tensions car ces visiteurs font la fête de préférence la nuit empêchent les riverains restants de dormir… Barcelone citée comme exemple a accueilli en 2024, 15,6 millions de touristes, et vient d’annoncer l’interdiction des locations saisonnières dans la ville à compter de 2028 (une première en Europe), consciente que la ville est devenue un parc d’attractions. Les licences d’une durée de 5 ans ne seront donc plus renouvelées. Mais quid des contrôles qui seront opérés sur les locations « légales » (10 000 recensées, soit 60 000 couchages) et surtout sur les illégales (9 500 auraient été sanctionnées au cours de 10 dernières années) qui amplifient le siphonnage de l’offre de logements traditionnelle ?
Venise, Prague, Dubrovnik, Amsterdam et bien d’autres villes; Paris y compris, sont envahies avec ses effets collatéraux déplorables, ordures sur les trottoirs agrémentés des odeurs d’épanchements d’urine, de vomis dans tous les coins… Le prix à payer car le tourisme pèse fortement dans le PIB des capitales concernées (15% à Barcelone, 13% à Paris [7,5% en France selon Atout France], 2,5% à Amsterdam) et 20% du PIB de la Croatie…De quoi faire aussi tourner la tête des décideurs, élus et gouvernants, en oubliant au passage leurs administrés. D’où la multiplication des actions de rejet de la part des habitants, des Barcelonais notamment (défilés, slogans et tags anti touristes quand ces derniers ne sont pas aspergés d’eau…) au grand dam des autorités locales qui voient l’image de leur ville abîmée par les riverains mécontents . Mais l’image en question n’est elle pas détériorée par les touristes eux-mêmes ? Les 1 500 propriétaires et les exploitants profitant du sur tourisme qui s’estiment floués sont à la manœuvre (recours administratif en cours) pour faire revenir la mairie de Barcelone sur sa décision.
Si Paris ne veut pas devenir une nouveau Barcelone, ce que nous répétons depuis des années, il faut encadrer la montée du tourisme et davantage encore les locations saisonnières qui déstabilisent le marché de la location traditionnelle et concurrence les hôteliers. L’été 2024, dopé par les JO, a permis de dépasser tous les records. Ne cachons pas aussi combien le sur tourisme est une source de coûts supplémentaires pour les collectivités (traiter la malpropreté, assurer les contrôles, agir contre l’excès d’alcool, renforts de police…) et donc via l’impôt les administrés qui ne supportent plus de tels afflux de visiteurs.
La « parenthèse enchantée » des jeux olympiques ne doit pas être un prétexte pour ne rien faire ou faire ce qu’il ne faut pas. Reproduire à Paris le « Rambla » de Barcelone, n’est-il pas le type même de la fausse bonne idée ? Il faut agir sur le long terme en incluant tous les acteurs et en passant en revue tous les enjeux écologiques sans oublier la qualité de vie des habitants (raréfier les autorisations de terrasses par exemple) en évitant une politique de « courtermisme » sur le sujet du tourisme particulièrement fâcheuse et désastreuse pour Paris.
Sources: Le Figaro, article de Jorge Carasso des 8 et 9 octobre 2024. » Le sur tourisme: quel impact sur les villes et sur l’environnement » dans Vie publique du 04 juillet 2024.