Par un article du Figaro du 8 juillet dernier, Mathilde Visseyrias et Jorge Carasso démontrent « Comment Airbnb a transformé l’immobilier« . C’est-à-dire qu’en soutenant « les prix des logements de vacances dans les villes les plus touristiques…« , la plateforme… » a aussi réduit l’offre de logements pour les habitants.«
Les journalistes rappellent à cette occasion qu’en 2015, « Paris déroulait le tapis rouge à Brian Chesky le cofondateur d’Airbn » citant alors la phrase du responsable du tourisme de la ville de Paris « Je suis très fier d’accueillir Airbnb à Paris« . Il faut savoir qu’à ce moment déjà la plateforme avait fait de Paris sa première destination dans le monde allant jusqu’à organiser sa convention annuelle dans la Grande Halle de la Villette !
Désormais la lune de miel s’est transformée en conflit ouvert (500 actions en justice répertoriées) avec la ville qui a pris conscience, avec un décalage certain, des ravages de cette activité sur le logement. Il n’empêche que le marché immobilier s’est depuis lors transformé au grand dam des élus et des habitants à la recherche d’un logement pérenne.
Rappelons que l’entreprise américaine Airbnb n’a que 17 ans d’existence. Elle propose à la location 52% des 1,2 million de logements loués en France sachant qu’en fait 77% des logements incriminés le sont par l’intermédiaire de l’ensemble des plateformes dites » entre particuliers » (outre Airbnb, il y a notamment Le Bon Coin, Booking.com Abritel…) ! Ces 77% atteints aujourd’hui n’étaient que 35% en 2016. La progression a donc été fulgurante. Le secret de ce constat, des revenus bien supérieurs (2 à 3 fois) à ceux d’une location traditionnelle. Bien des loueurs y ont vu aussi un moyen de payer ainsi plus facilement leur crédit. Mais surtout ce sont les avantages fiscaux qui font la principale différence ainsi que l’encadrement des loyers qui ne s’applique pas et le fait d’échapper aussi aux conséquences d’un mauvais bien énergétique DPE ce qui n’ets pas possible pour une location classique. Les bailleurs traditionnels ne sont en outre pas bien protégés contre les mauvais payeurs, or ce risque disparait lorsque l’on loue via une plateforme.
Il ne faut pas passer sous silence néanmoins les conséquences de la multiplication des offres de locations saisonnières qui ont fait baisser tout de même les prix. A Paris et en région parisienne notamment, face à une surabondance d’offres et au manque de visiteurs pour les JO, les prix de location qui avaient flambé ont dû être revus à la baisse. .
Mais la loi du marché s’est imposé et c’est ainsi que le prix de l’immobilier a grimpé, écartant de facto les populations locales (c’est patent à Paris). Les actions des municipalités piégées par ce phénomène qu’elles ont trop souvent encouragé faute d’une vision à long terme font souvent l’effet de combat d’arrière garde tant les dégâts engendrés sur le marché de la location classique sont dorénavant difficiles à enrayer ! Un hôtelier interrogé par les journalistes cités plus haut (la profession n’a pas vu venir suffisamment tôt les conséquences de ce phénomène) affirme « …la location de courte durée est devenue une dévastatrice pompe aspirante pour le logement et génère une pénurie inquiétante« . Bien entendu des mesures d’encadrement de l’activité de location saisonnière sont prises ici et là (instauration de quotas, amendes contre les plateformes non en règle, contrôles…), mais les sociétés en question trouvent toujours des failles qu’elles exploitent aussitôt.
Alors ne faudrait il pas plutôt revoir le cadre légal existant ? Une proposition de loi qui visait à rétablir l’équilibre du marché locatif est restée lettre morte du fait de la dissolution de l’assemblée nationale. Sera t’elle reprise par la nouvelle législature ? Rien n’est moins certain tant les intérêts en jeu sont contradictoires. Alors que la France peine à résorber sa crise endémique du logement, que le nombre de logements neufs mis en chantier a rarement été aussi bas, que le nombre de Parisiens quittant la capitale faute de pouvoir s’y loger correctement est significatif, le marché ne peut rester en l’état. La professionnalisation de la location touristique (multipropriétaires qui en ont fait leur seule source de revenus avec intervention d’agences immobilières, de conciergeries …), souvent utilisée pour faire de l’hôtellerie sans en avoir les contraintes (8% des meublés de tourisme seraient loués à l’année) doit être davantage réglementée. Ainsi à Barcelone trés impactée par les locations touristiques, la municipalité vient de prendre une décision radicale en ne renouvelant pas, à compter de 2028, les licences des meublés touristiques. Une décision qui doit faire réfléchir nos édiles et élus afin qu’ils se penchent sérieusement sur le desserrement des contraintes liées à la location classique afin de faciliter l’accès au logement.