Deux immeubles remarquables de la rue Montmartre aux numéros 136 et 144

La rue Montmartre a toujours fait partie des artères très fréquentées de la capitale. Elle a été aménagée entre les rues Rambuteau et Etienne Marcel vers 1200 en raison de la création des Halles, rejoignant ainsi un chemin descendant de la Butte Montmartre. Elle s’appela rue de la Porte Montmartre alors qu’elle était dans l’enceinte Philippe Auguste, et même Montmarat durant la Révolution (l’allusion au célèbre révolutionnaire est à peine voilée), pour ensuite porter son nom actuel. Cette artère est intéressante car elle présente nombre d’immeubles des XIXe et XXe caractéristiques, souvent très différents. Parmi ceux-ci, et pour cet article, nous en avons retenu deux.

Tout d’abord, le 136 (voir photographie illustrant l’article) qui est remarquable par sa façade de style Restauration ornée de deux bustes au dernier étage et huit niches contenant des statues de type antique. Appelé Hôtel de Mantoue,  on doit sa construction,  pour en faire un immeuble de rapport pour son propriétaire, à Edmond Navarre dont le fils fut aussi un architecte reconnu de l’Art Nouveau. Jacques Hillairet dans son Dictionnaire historique des rues de Paris mentionne qu’à cet endroit se trouvait vers 1800 l’Hôtel meublé de Rome. On peut regretter, après une lourde restauration en 2017 qui a permis de mettre en valeur ces statues en plâtre ainsi que de jolis décors, que les magasins du rez-de-chaussée ne soient pas à la hauteur de la qualité de la bâtisse.

Trois numéros plus loin, dans la direction des grands boulevards, au 142, se trouve l’ancien siège du journal La France puis de L’Aurore où fut imprimé le fameux article « J’accuse…! » d’Emile Zola au moment de l’affaire Dreyfus (une plaque apposée sur la façade en 2006 le rappelle très justement). D’autres quotidiens se sont succédé à cet emplacement, Le Radical, l’Univers, La Patrie, la Presse, L’Echo des Armées,  Le Paris... L’imprimerie se trouvait au sous-sol. Nous l’avons écrit dans un précédent article, nous sommes dans ce qui fut le quartier de la presse qui auparavant était occupé par le cimetière Saint-Joseph et une petite chapelle dédiée à Saint-Joseph (financée par le fameux chancelier Séguier et détruite en 1800). Le cimetière et la chapelle dépendaient, toujours selon Jacques Hillairet de la très grande paroisse Saint-Eustache d’alors qui avait ainsi un cimetière au sud (le cimetière des Innocents ) et un au nord où furent inhumés Molière et le lieutenant de police La Reynie. Le cimetière fut fermé en 1781 et disparut en 1796 pour des raisons de salubrité publique, remplacé de 1806 à 1882 par le marché Saint-Joseph. 

L’immeuble du 142 est typiquement haussmannien, très massif, richement décoré, presque trop chargé, traduisant l’opulence ostentatoire de cette période du XIXe siècle. Il a été édifié en 1885 par l’architecte Ferdinand Bal (1843-1910). Sa réalisation est considérée aujourd’hui comme étant son chef d’œuvre. Les allégories de la façade ont été sculptées par les ciseaux de Louis Alexandre Lefèvre-Deslongchamps (1849-1893) qui a travaillé à la réalisation du théâtre de Cherbourg. Les cariatides du 1er étage sur les côtés extérieurs ont été réalisées par Ernest-Eugène Hiolle (1834-1886) prix de Rome à qui l’on doit une importante production de sculptures tant en province qu’à Paris (Hôtel de ville, Opéra Garnier, statue en bronze intitulée l’Amérique du Nord devant le musée d’Orsay…). Un magasin d’alimentation occupe aujourd’hui le rez-de-chaussée.

C’est à quelques mètres de cette ensemble, au 146, que se trouvait le Café du Croissant (aujourd’hui rebaptisé Taverne du Croisant) où fut assassiné Jean Jaurès le 31 juillet 1914.

1 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *