D’une certaine façon, Eataly qui vient d’ouvrir 4 000 m² de surface, 2 500 m² d’épicerie fine, 800 vins italiens, 7 points de restauration, 2 500 couverts attendus chaque jour n’est-il pas, en surfant sur la vague de l’engouement pour la nourriture italienne, un peu dans la démesure … « Le projet, titanesque à l’échelle du Marais, est très complet. Il s’organise autour d’une place centrale, la « Piazza », fermée par une verrière décorée par le sculpteur écossais Martin Boyce. La partie épicerie répond à l’idée platonicienne d’un bon supermercado transalpin : pâtes à foison, huiles d’olive à gogo, champignons séchés, pestos génois et trapanais… Non loin, on trouve des comptoirs où l’on peut acheter du fromage à emporter, des charcuteries, des pâtes fraîches, et une boulangerie ouverte dès 7 heures du matin. » Le magasin sera ouvert tous les jours et jusqu’à minuit.
La queue que l’on constate depuis l’ouverture est symptomatique, les curieux appâtés par la publicité faite sur cet événement (y compris par affichage sauvage sur les murs du quartier!) par les Galeries Lafayette qui ont acquis la franchise, veulent voir non seulement la débauche de paniers qui servent d’enseigne, mais participer « à l’ambiance joyeuse d’un marché géant de la botte » et se restaurer dans ce qui est déjà appelé « le temple de la gastronomie italienne ».
Pour le fondateur de cette entreprise qui était auparavant le dirigeant du Darty italien Uni Euro, « Ouvrir à Paris c’est comme voler la maison d’une voleur » et d’ajouter que si la gastronomie française est la plus prestigieuse, celle de la Péninsule est « plus simple et facile à dupliquer ». Curieuse conception…
L’installation comme nous l’avions annoncé à l’angle de la rue et du Square Sainte-Croix de la Bretonnerie est-il l’endroit le mieux choisi ? Ne va-t-elle pas d’une part accroître la fréquentation déjà élevée dans le quartier avec les conséquences que l’on connait, mais aussi accélérer sa transformation. Certes le BHV y disposait d’une réserve immobilière, certes nous sommes en plein centre de Paris, certes le lieu est très fréquenté par les touristes, mais Eataly risque d’amplifier le mouvement déjà enclenché hélas depuis quelques années de fermeture de petites boutiques de bouche traditionnelles. Le quartier comme d’autres perd ainsi son âme.
L’appétit de cet industriel italien, aidé d’un autre actionnaire, Luca Baffigo, et du fonds Tamburini Investment Partners, est grand. Après avoir racheté une domaine viticole et créer à Fico près de Bologne une sorte de « Disneyland bio de la gastronomie italienne », il vient d’annoncer qu’il commençait à ouvrir, près des stores Eataly, des commerces nouveaux autour du développement durable sous l’enseigne Green Pea spécialisée dans les vêtements, les cosmétiques et les meubles.