Blottie dans le petit passage des « Deux pavillons » entre le 5 rue Croix des Petits Champs et les jardins du Palais Royal, la boutique de la Maison Bonnet, fondée en 1950 par une famille de lunetiers de père en fils depuis 1930, attire le regard.
Dirigée par les 3 petits fils du fondateur, cette marque de prestige réalise des lunettes sur mesure qui ont orné le visage des plus grands, Yves Saint-Laurent, Jacques Chirac, Georges Simenon, François Mitterand, Aristote Onasis, Jean Gabin, Le Corbusier ou l’architecte Li Pei.
L’atelier occupe trois étages (showroom, collection de lunettes et cabinet d’optométrie) . 12 collaborateurs élaborent les modèles à partir de 3 matières, l’acétate qui est une résine organique à base de fleurs de coton et de perles de bois, la corne de buffle (en provenance d’Inde de Madagascar ou du Vietnam) une matière légère et dense anallergique et l’écaille de tortue caret utilisée dans le respect de la convention de Washington. Cette dernière matière est la seule au monde qui possède la propriété d’autogreffe, c’est-à-dire d’être réparée sans colle !
« Une paire de lunettes sur mesure, c’est une paire de lunettes totalement unique : discutée, conçue, dessinée, travaillée, fabriquée, raffinée, essayée, ajustée, modifiée, le tout à la main, pour une seule personne, selon ses mensurations, selon ses goûts et selon ses désirs. » est-il indiqué. Ce qui se traduit par « des chiffres et du temps : 12 mesures à relever sur un visage, 2 à 9 mois (selon la matière) pour les différentes étapes de fabrication à la main et 6 à 30 heures de travail en atelier. »
Marque de prestige, ces lunettes, véritables œuvres d’art dont la confection nécessite 2 à 3 essayages et des travaux pouvant s’étaler sur plusieurs jours, requièrent beaucoup de pratique et une formation longue. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la Maison Bonnet est Entreprise du Patrimoine Vivant et membre des Grands ateliers de France notamment qu’illustre parfaitement la formule « Le savoir au service de la modernité ».
Bien entendu une paire de lunettes fait main représente une dépense non négligeable mais cette activité est parmi celles que nous devons protéger au sein d’ateliers souvent établis dans les quartiers le plus anciens de la capitale et qui caractérisent si admirablement l’excellence et le grand savoir-faire français. Malheureusement la spéculation immobilière, l’absence de relève, la désaffection des métiers manuels concourent à leur disparition.