La « douce révolution » du Sentier

Dans un article paru en juillet dernier, le magazine Capital a dressé la radioscopie du quartier du Sentier en expliquant que celui-ci, tel que nous le connaissions dans un passé récent, était « …en train de mourir à petit feu ». Il n’est plus envahi par la foule, les camions, les rouleaux de tissus, les livreurs… Beaucoup de négociants s‘en sont allés. Ce secteur historique délimité par les boulevards de Sébastopol, Poissonnière et Bonne-Nouvelle et les rues Réaumur et Montmartre a perdu son titre d’un des « centres mondiaux du prêt-à-porter ». Conception des modèles, fabrication en étage dans des délais record, tout cela a quasiment disparu.

La réputation du Sentier est apparue au XVIIIe siècle à la suite de l’installation du siège de la Compagnie des Indes qui importait les fameuses indiennes, attirant de nombreux commerçants et négociants souvent immigrés dont la réputation a grandi tout au long du XIXème siècle. D’ailleurs nombre d’employés dont certains étaient « cachés » ne parlaient pas le français. Ainsi nombreuses étaient les nationalités qui se côtoyaient, juifs orientaux, Arméniens, juifs d’Afrique du Nord, Turcs…

Créativité, rapidité de réassortiment faisaient la force du quartier qui au fil du temps était devenu le berceau de grandes marques telles Sandro, Maje, Kookaï, Naf Naf… Ce n’est qu’à partir des années 2000 que débute le déclin.

Sans doute du fait de la forte concurrence chinoise, en raison de prix imbattables pratiqués, les approvisionnements changent de lieu et se font en Asie ainsi qu’à Paris dans le XIe arrondissement où se sont installés des Chinois. La municipalité a souhaité aussi voir évoluer ce quartier où les embouteillages étaient nombreux, la circulation difficile et dans lequel les commerces de proximité étaient inexistants. Après rénovation, réaménagement de certaines rues, ce sont des commerces de bouche et des showrooms de qualité qui ont remplacé la plupart des grossistes, alors que dans les étages les appartements qui abritaient des ateliers ont retrouvé leur fonction première. Depuis la population a augmenté.

La crise de 2008 a définitivement sonné le glas de l’activité textile qui, pour partie, s’est réinstallée, sous la houlette des Chinois, en Seine Saint-Denis, à Aubervilliers, ce mouvement ayant été amorcé dans les années 90.  Des centres commerciaux dédiés au textile (certains uniquement de gros) ont été ouverts et on compterait aujourd’hui plus de 1 600 magasins de gros dans cette banlieue proche.

Quant au Sentier, il est devenu un des endroits où s’installent des start-up favorisées par la qualité des connexions internet, la présence de grandes surfaces à louer et des loyers qui au départ étaient relativement bas. Les prix au m2 et les loyers ont cependant évolué depuis, y compris pour les locaux d’habitation. Ils ont suivi la hausse constatée à Paris depuis plusieurs années. Mais de rénovation en réhabilitation, le secteur est dorénavant recherché par une population jeune et se situe dans le trio de tête, avec les VIIIe et le IXe arrondissements, des endroits qui concentrent le plus les recherches des entreprises pour s’y installer.  Le Sentier qualifié parfois de « Silicon Sentier » a indéniablement réussi sa « douce révolution ».

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