La pollution sonore oubliée

La tribune du « Figaro demain » daté du 22 mai, intitulée « La pollution sonore,  grande oubliée des politiques environnementales« , pointe cette carence de la prise en compte par les décideurs du bruit (NDLR: comme l’est aussi la pollution lumineuse), une nuisance qui perturbe la vie des habitants « alors que le coût social du bruit est énorme…« .

Le bruit des engins que s’agitent à l’approche des JO sur les installations à mettre en place et surtout les 7500 points de travaux recensés est saisissant en comparaison du combat forcené mené par la Maire de Paris et son équipe contre la pollution automobile. On entend de plus en plus affirmer par les uns et les autres que « les Parisiens saturent« .  Et ce n’est pas fini, les embouteillages se multiplient à l’approche des jeux, les sirènes et klaxons n’ont jamais autant retenti de jour comme de nuit, les valises à roulettes vont être de plus en plus nombreuses (15 millions de visiteurs attendus) et le bruit sur les trottoirs et dans nos immeubles n’en sera que plus insupportable! Quant au bruit généré par les clients des terrasses des bars qui se sont multipliées, il va redoubler du fait de l’extension des horaires annoncée récemment par la Maire, point n’est besoin d’épiloguer à ce sujet, nous en avons déjà  suffisamment parlé sur ce blog.

Le journal cité plus haut rappelle à ce sujet les propos de Christian Hugonnet, le président de la « Semaine du son » organisée chaque année par l’UNESCO « le bruit est un son dont on ne veut pas et qui peut générer de la violence. Or, à la différence du XIXe siècle, le bruit des villes aujourd’hui ne désemplit pas« .  Et citant cette fois un ingénieur en charge de l’acoustique en milieu urbain au sien de l’ADME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dépendant du ministère de la transition écologique, nous apprenons  que la recherche en matière acoustique était le parent pauvre des financements publics.

En parallèle de ce constat, il est fait état du coût social annuel du bruit qui, en 2021, était estimé en France à 146 milliards d’€ ! Selon l’ADEME, 80 % de cet impact est lié, certes aux transports (que l’on met toujours en avant pour minimiser les autres effets négatifs), mais aussi aux activités nocturnes, au cadre de travail et au voisinage. Les conséquences sont connues, effet sur les maladies cardio vasculaires, sur le développement des apprentissages à l’école et cause de décès prématurés…

Il a été démontré qu’entre autres conséquences par exemple, les oiseaux perturbés « chantaient plus fort et plus aigu, pour couvrir le bruit, ce qui leur demande plus d’énergie et appauvrit la biodiversité locale « . Pour y pallier des « trames blanches » ‘des zones au bruit limité) ont été créées.  Il a été aussi recommandé dans le cadre du plan national santé environnement 2021 que les entreprises,  les administrations et les municipalités accueillant du public créent des espaces de calme labellisés par le Conseil national du bruit ou CNB,  instance consultative créée en 1982, placée auprès du ministère de la transition écologique dont l’objectif est surtout de rendre des avis à travers ses 25 réunions et 2 assemblées plénières annuelles.

Mais c’est peu face à l’ampleur de la situation même si un colloque est programmé le 07 juin prochain à Paris par le Centre d’information du Bruit (**), le CidB. Ce qui importe ce sont les prises de décisions fortes et surtout leur mise en œuvre ensuite. A l’instar de la création de paysages sonores qui sont pour le moment à l’état de balbutiement. Il faut dans nombre de métiers prendre en compte la dimension acoustique de l’environnement, ce qui est peu le cas pour le moment, même au sein des cabinets acoustiques classiques.  Des organismes existent, le Cresson ( Centre de recherche sur l’espace sonore) et l’environnement urbain) (***)  à Grenoble, l’atelier Acirene (association culturelle d’information et recherche pour une écoute nouvelle de l’environnement) (****) à Lyon… Il faut aussi systématiser les problématiques du son de notre société dans les enseignements (écoles d’architecture, universités…) .

Nous partons de très bas, le chemin sera long pour corriger la mauvaise situation présente, malgré les bonnes volontés et les bonnes intentions, le nombre étonnant d’organismes dédiés, la réglementation en vigueur, malgré aussi les annonces faites, notamment celle où la ville de Paris assure que la police municipale lutte contre le bruit, l’installation ici ou là de rares « méduses » de mesure de décibels, les chaussées dites silencieuses ou les fenêtres antibruit.

 

(*) Il comprend des représentants de collectivités locales, d’associations, d’organisations syndicales, de groupements et professions diverses soit 43 membres et 30 titulaires !

(**) Association loi de 1901 à but non lucratif reconnue d’utilité publique qui met en œuvre des actions pour la prise en compte du bruit et ses effets sur l’homme et son environnement.

(***) Equipe de recherche fondamentale architecturale et urbaine  fondée en 1979 dépendant de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble.

(****) Groupement de professionnels de la cultive et de l’aménagement s’interrogeant sur le fait sonore dans la société contemporaine. 

 

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