La presse rivalise de titres accrocheurs et de satisfécits (« une année exceptionnelle », « une machine à cash pour la France », « Performance inespérée »…) pour saluer la vigueur retrouvée du tourisme en France et plus particulièrement à Paris, après la publication du bilan des 9 premiers mois de l’année. On parle même pour 2022 d’un niveau supérieur à 2019, année précédant la pandémie de la Covid.
Les chiffres cités sont nombreux. Nous retiendrons que pour les 3 premiers trimestres le tourisme a contribué à hauteur de 8% au PIB et de 11,8 milliards d’€ (dont 4,3 milliards pour le seul 3e trimestre) (*) à la balance des paiements de notre pays. Un poids très significatif pour notre économie ! Ce résultat a été obtenu sans le retour des touristes asiatiques et sans la venue de touristes russes du fait de la guerre avec l’Ukraine.
Certains projettent et rêvent d’attirer plus de touristes encore l’an prochain.
Pourtant les nuages s’accumulent tels que l’accélération des dérèglements climatiques (faut-il toujours autant voyager et donc polluer?), la situation géopolitique et les conflits que nous connaissons qui favorisent l’augmentation des coûts. A cela s’ajoutent les difficultés de recrutement (nombre d’établissements ferment plusieurs jours pas semaine et jouent aux équilibristes pour assurer le service) et le sur-tourisme qui a conduit déjà des villes ou sites à imposer des jauges et quotas. En effet, accueillir toujours davantage de touristes n’est plus tenable tant pour la planète, pour la protection du patrimoine, pour la qualité de vie des habitants que pour le travail des professionnels.
Les touristes aussi sont concernés, trop d’attente lors des visites, dans les magasins et restaurants et des prix en hausse significative. Il faut aujourd’hui dépenser plus pour faire du tourisme. En conséquence, il est question pour les professionnels, dans un contexte qui évolue et où la concurrence joue à plein « de construire avec toutes les parties prenantes, professionnels et pouvoirs publics, une stratégie nationale ». Et c’est sur ce plan que le bât blesse car il n’est sans doute pas question pour ces demandeurs de réguler le flux de touristes pourtant nécessaire (les prochains JO nous démontreront grandeur nature ce qu’est le sur-tourisme avec tous ses désagréments (rues et sites bondés, bars qui ne désemplissent pas, malpropreté, nuisances nocturnes insoutenables, alcoolisme et insécurité). Désagréments que ne veulent reconnaître ni les professionnels, ni les autorités et pourtant…!
En ce qui nous concerne, nous sommes de farouches partisans de l’instauration de jauges et quotas, seul moyen d’en finir avec ce que l’on peut nommer « l’anarchie touristique ». L’argument du poids économique dans notre économie n’est plus suffisant face à tous les défis qui sont devant nous. Alors que l’on nous répète à longueur de temps que nous avons changé d’époque et que nos modes de vie doivent évoluer drastiquement, le tourisme tel que nous le connaissons est appelé à changer lui aussi, malgré les réticences de ceux qui pensent encore qu’il se résume à une question de tiroir-caisse. Il est grand temps de penser le tourisme autrement, d’arrêter d’en faire une compétition entre villes voire entre pays. Certains expérimentent déjà les quotas et autres taxes pour réguler les flux au bénéfice des lieux d’accueil et des touristes eux-mêmes qui évitent alors bien des déplaisirs…
Comment peut-on en effet d’un côté combattre le dérèglement climatique et de l’autre favoriser le développement débridé du tourisme. Tant d’incohérence résultant d’une vision « courtermiste » mènera indubitablement à des lendemains qui déchantent, entraînant alors la mise en place de mesures bien plus drastiques que celles qui pourraient être prises dès aujourd’hui!
(*) Données fournies pour l’association Alliance France Tourisme qui regroupe des professionnels du tourisme