Le succès rencontré lors des journées du patrimoine, l’augmentation constante de la fréquentation des musées et des grandes expositions, toutes générations confondues, la consternation de tous (ou presque) à la suite de l’incendie de Notre-Dame traduisent l’engouement de nos concitoyens pour ce legs immense qu’est notre patrimoine qualifié de trésor national par beaucoup. Grâce à des personnalités telles que Prosper Mérimée et André Malraux et bien d’autres, grâce à des lois spécifiques de protection et d’aide aux travaux pour aider les propriétaires à entretenir leurs biens historiques, grâce aux dons et à une fiscalité spécifique, à de nombreux organismes comme la Fondation du Patrimoine ou au loto du patrimoine, nous essayons cahin-caha de maintenir en état tous ces biens. Mais il faudrait bien davantage d’argent pour parvenir à mettre à niveau tout ce qui devrait l’être.
La médiatisation de dons importants provenant de mécènes ou des fonds recueillis à l’occasion d’actions ciblées sur des monuments emblématiques, ne doit pas cacher la forêt des monuments qui se délitent, des châteaux, églises ou simples lavoirs proches de la ruine que les communes ne peuvent plus entretenir voire s’en désintéressent. Sur les 44 000 monuments classés, 3 000 ont été répertoriés en péril, y compris plusieurs églises parisiennes et leur mobilier… Et que dire de tous les édifices non classés présentant néanmoins un intérêt historique, artistique et architectural certain.
La baisse continue des crédits annoncés pour l’entretien du patrimoine dans le budget de l’Etat, le coup de rabot que les députés s’apprêtent à voter en matière de mécénat d’entreprise montrent bien que le patrimoine est perçu davantage comme un coût que comme un investissement. Or toute une industrie existe autour de notre patrimoine, y compris les métiers d’art français qui disparaissent faute de commandes en nombre suffisant ou de successeur. Et pourtant focaliser les énergies autour de la restauration d’un monument c’est développer le territoire où il se trouve, en particulier les territoires ruraux délaissés et qui ont bien souvent besoin de retrouver une dynamique. C’est aussi le moyen de réconcilier les Français entre eux et avec leur histoire, tant cette matière a été délaissée dans les programmes scolaires, effaçant tout repère quant à notre passé. La tâche est immense.
Tout n’est-il pas question de volonté ou de bonne volonté, il suffit de regarder les chantiers où les bénévoles s’attaquent avec courage à telle muraille envahie de lierre ou à des ruines qui année après retrouvent vie. La construction du château de Guédelon en Bourgogne, passionne les visiteurs toujours plus nombreux qui s’y pressent depuis plusieurs années.
Pour Stéphan Bern, mal entretenir son patrimoine et l’abandonner à son sort est « …une faillite intellectuelle, une faute morale, une erreur politique, un non-sens économique ! »
En laissant mourir son patrimoine, la France ne serait plus la France, elle perdrait une grande part de son attractivité qui ne dépend pas uniquement de ses grands monuments mais de l’ensemble unique que forme son patrimoine historique sur tout le territoire.