La très discrète galerie Véro-Dodat

Edifiée en 1826 durant la Restauration, à l’emplacement de l’Hôtel particulier où serait né le cardinal de Richelieu, la galerie Véro-Dodat, de style néoclassique, située non loin du siège de la Banque de France, relie les rues Jean Jacques Rousseau et du Bouloi. Elle doit son nom à deux investisseurs audacieux le charcutier Benoît Véro qui dit-on avait réalisé de fructueuses opérations en bourse et le financier Dodat. Le passage attira les passants, visiteurs et flâneurs, de par sa position, proche des Halles, du Louvre et du Palais Royal. Plusieurs éléments favorisèrent cet engouement l’éclairage au gaz, parmi les premiers installés dans un lieu public à Paris, le choix des messageries Lafitte et Gaillard qui s’y implantèrent et l’installation du célèbre marchand d’estampes Aubert éditeur du Charivari et des reproductions des caricatures de Daumier, Gavarni, Cham ou Grandville. Les voyageurs en attendant les diligences vaquaient d’un commerce à l’autre dans la galerie couverte. La grande tragédienne Rachel logea un certain temps dans un appartement du passage au n° 38.

Le parti pris des aménageurs de poser un dallage en losange noir et blanc sur la longueur assez modeste (80 m) du passage a été choisi afin de donner un effet de perspective et de profondeur. Le plafond haut de seulement 2,50 m est peint de paysages, de divinités, de génies de belle facture dans les parties non vitrées.  Chaque entrée est surmontée d’un balcon et encadrée par deux colonnes ioniques qui donnent un bel aspect. Celle du côté de la rue Bouloi a été enrichie de deux niches avec les statues d’Hermès et d’un Satyre au repos.  Les différentes boutiques établies, toutes sur le même modèle, disposent de menuiseries d’ornements en fonte et en cuivre décorées de palmettes, des miroirs sont disposés entre les demi-colonnes, les éclairages avec leur globe accentuent le côté préservé de cet ensemble unique. On aperçoit aussi derrière les vitrines des petits escaliers hélicoïdaux qui donnent accès à l’étage.

Les messageries disparurent durant le Second Empire et le Palais Royal devenu moins à la mode provoqueront le déclin du passage.

Inscrite depuis 1965 au titre des monuments historiques, le classement proposé ensuite de la galerie en 1998 a été refusé par la copropriété qui a procédé à une importante opération de restauration en 1997.

Les boutiques de mode présentes attirent les amateurs et les professionnels. L’atelier boutique de Christian Louboutin constitue aujourd’hui, de par la notoriété de sa marque, la « locomotive » du passage. Pourtant les jolis magasins offrant bijoux, créations de mode et sacs en cuir, parfums, une galerie d’art, le luthier François Charle qui vend des instruments de musique à cordes et le charmant  petit restaurant éponyme situé dans la galerie concourent à l’unité de cet ensemble rare et discret.

Une citation due à Louise Lincourt, à propos du passage Véro-Dodat qu’elle a connu plus animé, mérite d’être rapportée : « Je me souviens de cette galerie sombre et charmante. On y trouvait des bouquinistes spécialisés en documents anciens, des copistes de peintures, des apothicaires et ce luthier y était peut-être déjà installé à cette époque. Il y régnait un fouillis sympathique et mystérieux. »

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