Est-il bien nécessaire de revisiter l’esthétique de Paris ?

Le 1er adjoint de la Maire de Paris, Emmanuel Grégoire, a annoncé en novembre dernier que l’équipe municipale souhaitait revoir l’esthétique de la capitale et pour cela une consultation est lancée avec à la clé la rédaction d’un « manifeste pour une nouvelle esthétique parisienne » . Pour cette opération à laquelle chacun peut participer  la ville indique que si  » Paris est une ville d’une beauté extraordinaire, forgée par les matériaux comme la pierre, le verre ou le zinc, les couleurs, les lignes régulières »…elle  » ne peut pas se réduire aux projets du Baron Haussmann et d’Adolphe Alphand, qui ont dessiné notre ville au 19è siècle. Cette grammaire urbaine n’a pas imprégné tous les quartiers de Paris de la même manière. Paris est une ville multiple et à l’image de ses habitants : saisissante de contrastes, entre tradition et modernité. Le caractère unique de la beauté parisienne est ainsi à la croisée entre conservation patrimoniale et innovation. « . Il est ajouté, pour justifier ce changement sans doute déjà programmé,   » Aujourd’hui, la crise climatique change la donne : nécessité d’une végétalisation massive, développement des mobilités douces, débitumisation… La transformation radicale et nécessaire, en cours dans toutes les grandes métropoles mondiales, nous oblige à repenser totalement le paysage urbain parisien. « 

Voilà tout est dit, comment faire d’une ville au caractère unique, et déjà bien abîmée par nombre d’aménagements inadaptés, une ville sans doute banale et d’allure commune avec « les grandes métropoles mondiales ».  Cette perspective est d’autant plus navrante qu’ayant été sollicité par la mairie de Paris Centre qui ne peut qu’emboiter le pas à la mairie centrale, le mail d’accompagnement reçu pour inciter à participer à la consultation spécifiait, à propos du manifeste auquel cette dernière devrait aboutir, qu’il « … servira à définir un référentiel esthétique qui pourra par la suite être décliné dans les documents municipaux comme le plan local d’urbanisme, le règlement de étalages et terrasses, le règlement local de publicité ou encore le règlement de voirie. « 

Nous y voilà, réapparait une nouvelle fois le sujet des terrasses si important aux yeux de la municipalité qui sur ce plan fait preuve d’une constance sans faille, au même titre que les subventions conséquentes qu’elle accorde à des associations liées au secteur des cafetiers (à comparer au montant plus faible octroyé à Bruitparif afin d’installer des « pieuvres » permettant de mesurer les nuisances sonores émanant de bars qui ne respectent pas les habitants). Là encore et après une consultation sur la façon dont devront être occupées les places de stationnement libérés (notre article du 28 février 2021), les terrasses sont, au travers de cette nouvelle consultation,  noyées parmi d’autres thèmes comme le mobilier urbain, la couleur de celui ci le revêtement des rues etc. Le changement climatique impose-t-il de modifier les bancs et le mobilier de type colonne Morris ou fontaines Wallace (après qu’aient été changés nombre de kiosques à journaux devenus communs et sans cachet) ?  Quels nouveaux avantages le remaniement du règlement des terrasses va-t-il accorder aux  limonadiers ? Les habitants et leurs représentants seront-ils associés à la nouvelle rédaction de ces règles ? Les exclure leur  enlèverait une bonne part de légitimité.

Pour notre part, et vous pourrez faire de même, nous allons répondre au sondage en indiquant que le mobilier actuel avec sa belle couleur verte en accord avec le végétal ne doit pas être changé car il s’agit de la marque de fabrique de la capitale. Il serait impensable de la modifier sans gommer le passé.  En revanche, l’harmonie commande d’étendre ce mobilier type partout et de supprimer le mobilier inutile et décalé fait de poutres, traverses de chemin de fer et autres chaises, bancs et bacs à fleurs, caissons de protection des bicyclettes qui défigurent sous couvert de modernité des rues et des lieux pourtant emblématiques tels la place de l’Hôtel de Ville et la place de la République pour notre arrondissement. Il en est de même des milliers de corbeilles dans nos rues, des abribus et des toilettes publiques qui doivent répondre à un modèle unique en accord avec le mobilier traditionnel de la capitale. Le principal souci est aussi d’entretenir tout ce mobilier, de le repeindre dès que nécessaire et de le débarrasser des stickers et autres tags qui les recouvrent. Il importe aussi de faire de même sur les installations  techniques (feux tricolores, armoires électriques, panneaux indicateurs, bornes de recharge électrique…).  Les fresques et les peintures murales devront, elles aussi, être choisies en symbiose avec les lieux où elles seront apposées. Les « gribouillis » et « pochades » sans intérêt sont à exclure.  Sous couvert de verdir Paris il ne faut pas laisser faire n’importe quoi autour des arbres de nos rues et réglementer plus strictement leur aménagement. Quant à la « débitumlisation », il serait absurde de « débitumiser » pour « débitumiser ». Il faut penser à ceux qui ont des difficultés à se déplacer, aux parents avec des poussettes pour enfant… Le remplacement du bitume est à faire avec soin, après étude et en totale concertation avec les riverains des voies concernées.

Alors rêvons un peu et essayons de prendre pour nôtre la conclusion de la consultation de la mairie de Paris devant aboutir à un manifeste qui ne manque pas d’une certaine « prétention » :

« Le manifeste mettra en place des règles pour désencombrer l’espace public de son mobilier inutile, intégrer le végétal dans notre paysage, uniformiser les couleurs, les matériaux, les lignes car l’esthétique, c’est avant tout une question d’harmonie.« 

Un dossier que nous allons suivre. Cependant la question des terrasses est le sujet le plus sensible pour les habitants. Conscients que celles-ci doivent exister, ils sont, face à des exploitants indélicats, lassés par les nuisances qu’elles entraînent ans leur vie quotidienne et des avantages disproportionnés octroyés à ce seul secteur d’activité par une équipe municipale qui leur semble inféodée en comparaison du traitement réservé à d’autres commerces.

 

PS : Voir l’article de la Tribune de l’Art paru le 15 mars sur ce sujet

1 commentaire

  1. Merci pour votre analyse pertinente de ces projets de réaménagement du paysage de la capitale.
    Nous craignons en effet le pire, sous prétexte de végétalisation vertueuse !
    Mais , comme vous, nous prenons au mot la mairie dans sa volonté de « désencombrer l’espace public de ce qui est inutile »

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