Dans un article du journal Le Monde du 11 novembre 2013, Antoine Flandrin écrit « L’annonce au début du mois d’octobre 1918 de la demande d’armistice de l’Allemagne surprend l’opinion française. Tout au long de ce mois, celle-ci oscille entre l’espoir de la fin de la guerre et la crainte d’une paix prématurée dont l’Allemagne ne sortirait pas suffisamment et symboliquement vaincue. « Le 7 novembre, une joie délirante éclate sur les grands boulevards à Paris à l’annonce (fausse) de la conclusion de l’armistice, explique l’historien Jean-Becker dans La Première Guerre mondiale (2003). Quand le lundi 11 novembre, l’armistice est réellement annoncé, une liesse, que certains ont décrite comme presque démente, se déchaîne à Paris, dans les villes de province et dans les moindres bourgades. Le président du conseil, Georges Clemenceau, est reçu à la chambre des députés au milieu d’acclamations frénétiques. »
Nous sommes alors à 4 ans, 3 mois et 12 jours de guerre quand les représentants des nations en guerre se retrouvent près de Compiègne pour signer l’armistice.
« La Première Guerre mondiale aura » mobilisé plus de 70 000 000 d’hommes : 10 000 000 de soldats, dont 1 400 000 Français sont morts ou disparus. La France est d’ailleurs le pays le plus touché proportionnellement, puisque c’est 1 soldat sur 5 qui est tombé au champ d’honneur. Un quart des jeunes Français qui avaient 20 ans en 1914 a été tué. L’armée Allemande a perdu 2 000 000 de Soldats. Pour la Serbie, c’est près de la moitié de l’armée qui a été engloutie. On a tiré plus d’un milliard d’obus. Il faudra quasiment 16 traités jusqu’en 1923 pour considérer la Première Guerre Mondiale comme définitivement terminée. » (Extrait d’une émission de France Bleue diffusée à l’occasion du centenaire de l’Armistice)
L’universitaire et historien François Bouloc (*) analyse à partir de plusieurs peintures (notamment « Le boulevard Bonne Nouvelle le 11 novembre 1918 » d’André Devambez [1867-1944] et « Le boulevard et la Porte Saint-Denis le 11 novembre 1018 » d’Auguste Leprince qui est au musée Carnavalet, toile que nous avons reproduite ci-dessus) ce qui s’est passé à Paris précisément dans nos quartiers le 11 novembre 1918.
« Des fenêtres pavoisées, des gens déambulant massés sur le pavé : la peinture du boulevard Bonne-Nouvelle se présente comme une image d’Epinal des expressions de joie du 11 novembre 1918. Le rendu très pointilleux, quasi photographique, de cette représentation dit bien la spontanéité des manifestations de ce jour si particulier. Ainsi, les conducteurs de camions et de voitures auront été bien mal avisés de ne pas laisser leurs engins au garage… Des éléments du même ordre se dégagent de la scène devant la porte Saint-Denis, où des farandoles de civils s’ébrouent au premier plan sous le regard circonspect de quelques combattants. Meurtris, ces derniers ne goûtaient guère, en effet, les gais débordements des civils. Ici, des accents impressionnistes amènent l’idée d’un magma humain indéfini – la France au figuré, peut-être ? « Souscrivez à l’emprunt de la Libération », peut-on ainsi lire sur la colonne droite de la porte monumentale : ceci suffit à rappeler la portée nationale de ce qui se déroule. La photographie de l’escorte de Wilson offre par comparaison un excellent aperçu de la prise en main par l’Etat, quelques semaines plus tard, des pratiques de célébration collective liées au retour de la paix. Là, en effet, les badauds sont cantonnés derrière des barrières et des sentinelles en rangs serrés : la rue est toujours détournée de sa vocation usuelle, mais les finalités ont changé. Le bel agencement de la parade de cavalerie tranche avec le chahut des documents précédents. Outre la victoire des armes et l’hommage aux alliés, c’est la continuité de l’Etat qui est affirmée : la République rappelle en ces heures toute l’assise de sa légitimité, et continue à le faire à travers le protocole des commémorations… »