En 2021, passé la crise actuelle et sans doute quelque retard de calendrier, le public devrait pouvoir découvrir les fameux décors restaurés de la Chancellerie d’Orléans installés dans l’Hôtel de Rohan au sein du périmètre des Archives nationales. il a d’ailleurs été possible de se rendre compte de la splendeur de ces décors lors des journées du patrimoine 2019 où fut exposé dans l’Hôtel de Soubise, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, un aperçu de ces décors (peintures, reliefs de plâtre, lambris, chapiteaux et consoles).
La Chancellerie d’Orléans souvent appelée Hotel d’Argenson fut construite entre 1704 et 1705 à la demande de Philippe d’Orléans, futur régent de France par l’architecte Boffrand (l’auteur de la célèbre place Stanislas de Nancy). Il était destiné à sa maîtresse, la comtesse d’Argenson, née Marie-Louise Lebel de la Boissière de Séry. L’Hôtel, situé 19 rue des Bons Enfants, ouvrait sur les jardins du Palais-Royal avec lesquels il communiquait.
De 1725 à 1752, il servit de chancellerie aux ducs d’Orléans, ce qui explique le nom qui lui est resté attaché. Le fils d’un des chanceliers du duc d’Orléans, Marc Voyer de Paulmy d’Argenson, reçu l’Hôtel en donation, d’où ce second nom qui fut aussi attaché à cet hôtel. Le nouveau propriétaire, très proche des milieux artistiques, entreprit, à partir de 1760, d’importants aménagements qu’il confia à l’architecte Charles de Wailly qui travailla pour le Théâtre de l’Odéon, le château de Versailles, les églises Saint-Leu et Saint-Gilles, Saint-Sulpice et différents châteaux en Belgique, en Russie et en Italie. Les travaux de cet hôtel furent si importants que la famille y consacrera toute sa fortune, la contraignant au final à le vendre !
La volonté du marquis de Voyer était de faire de sa demeure l’une des plus belles de la capitale, dans le goût de l’époque. C’est ainsi que les façades furent totalement remaniées, avec des sculptures d’Augustin Pajou dont les dessus de porte en stuc et vert antique d’un des salons dits « les 4 éléments » sont exposés au Louvre. Il en est de même pour l’intérieur et ses différentes pièces, vestibules, grand et petit salons, boudoirs, grande et petite salles à manger qui sont tour à tour transformés. Le plafond de la salle a manger était remarquable et fut peint en remplacement de celui, jugé démodé, dû au pinceau de Fragonard. Son exécution fut réalisée par Jean-Jacques Lagrenée sur le thème d’Hébé versant le nectar à Jupiter. Près d’un salon décoré par Coypel, le plafond (Le lever de l’aurore) de la chambre de la marquise a été confié à Louis-Jacques Durameau. Gabriel Briard (qui a travaillé à Versailles) Guilliard et Deleuze quant à eux furent chargés des décors du vestibule et d’autres pièces.
Un nouveau système de chauffage fut mis en place. Il a été fait appel à Pierre Gauthière pour les bronzes des fenêtres, portes et cheminées. Le mobilier fut souvent réalisé sur des dessins de Charles de Wailly. Le faste était tel qu’il conféra à l’Hôtel un succès inégalé à l’époque.
C’est en 1784 que l’Hôtel fut séparé des jardins du Palais Royal suite au percement de la rue de Valois. Surélevé d’un étage au XIXe siècle, le bâtiment a été classé en 1914. Malheureusement pour percer une rue entre la Bourse du commerce et la rue de Valois, l’Hôtel a été déclassé par la Ville de Paris en 1923 et sa démolition entreprise dans la foulée ! C’est à la demande du préfet de la Seine, suite aux protestations générées par ce destin tragique réservé à la Chancellerie, que les fameux décors que nous découvrirons, nous l’espérons bientôt, furent stockés dans 102 caisses par la Banque de France devenue le propriétaire, à charge pour elle de les faire replacer ailleurs. Après déboires guerre et oubli, puis l’entêtement de différentes personnalités et institutions, les décors vont enfin retrouver une digne destination dans l’Hôtel de Rohan.
Grandeur et décadence, mais aussi des périodes de destruction sans discernement auront réduit à peu de choses ce qui fut un des plus beaux sinon le plus bel hôtel particulier de son temps. « Un hôtel précurseur d’un style nouveau, le néoclassicisme, qui allait surpasser le baroque et s’imposer comme la nouvelle esthétique à la veille de la Révolution ».
Sources : Wikipédia et Dictionnaire historique des rues de Paris de Jaques Hillairet