Que faut-il penser des bâches publicitaires ?

Nombreuses ont été depuis plusieurs années les polémiques à l’encontre des imposantes bâches publicitaires déployées sur les échafaudages lors d’importants travaux ? Si certaines ont pu prospérer malgré les demandes de retrait, d’autres ont dû être enlevées. On se souvient par exemple de la bâche publicitaire d’Apple qui en 2012 avait été déployée à l’occasion de travaux de restauration devant l’hôtel particulier de Laffemas (classé monument historique) situé place des Vosges. Elle été retirée 2 ans plus tard à la demande de la ministre de la culture d’alors, suite à des plaintes de riverains.

Les associations « Resistance à l’agression publicitaire » « Paysages de France » ,  « SPPEF – Sites et Monuments » et « Louvre pour tous » avaient de leur côté demandé par lettre datée du 05 novembre 2016 l’enlèvement de la bâche publicitaire de la place Beaubourg en face du Centre Pompidou. 

Il faut savoir que  » l’article L621-29-8 du code du patrimoine en dérogation de l’article L581-4 du code de l’environnement , qui interdit toute publicité sur les immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire, permet d’installer ce type de bâche dès lors qu’il s’agit de masquer des travaux extérieurs et de permettre de financer les travaux. L’affichage publicitaire ne peut dépasser 50 % de la taille de la bâche « . Quid des bâtiments non classés qui peinent à trouver les financements nécessaires pour pouvoir rénover leurs façades ? Un texte de 2018 a apporté des dérogations à cet affichage pour les Jeux olympiques sans condition de travaux…

Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille et certains dénoncent la pollution visuelle ainsi créée. Or ceux qui ont recours à ce type d’opération spécifient bien sur la bâche que l’affichage contribue au financement de la restauration de l’immeuble. Leurs opposants déplorent souvent aussi le temps long pendant lequel cette « agression visuelle » reste présente d’autant que rien n’est précisé dans les textes sur la manière dont sont choisis les monuments historiques « éligibles » ? On sait, concernant la rénovation de la Conciergerie, que la bâche à la gloire d’un smartphone à succès s’étalant sur 700 m² a rapporté à l’Etat près de 2 millions d’€. Les publicités sur les bâches de l’Hôtel de la Marine ont permis de recueillir (de 2017 à 2021) 20 millions d’€, montant qui est dépassé par les bâches de l’Opéra Garnier, 23 millions d’€, couvrant l’ensemble des travaux! 

En cette période de disette budgétaire, d’envolée des coûts (inflation et réglementation drastique d’éradication des passoires thermiques), il est incohérent de vivre sur des règles strictes en la matière.  Ces bâches sont certes moches dans le paysage et l’environnement, mais elles ne sont pas tendues pour rester indéfiniment. Elles représentent surtout un outil de financement non négligeable tant pour les administrations propriétaires que les copropriétés confrontées à de lourdes dépenses d’entretien.

Aujourd’hui des associations pestent à nouveau contre l’enveloppe qui recouvre l’Opéra Garnier en travaux (voir photographie illustrant cet article). Elles réclament en organisant des rassemblements un tour de vis sur ces « publicités invasives » et pointent parmi d’autres cas emblématiques celui du Mont Saint-Michel (classé au patrimoine mondial de l’UNESCO) qui a eu droit à sa bâche publicitaire éclairée la nuit ! Elles s’insurgent contre le projet récent dans lequel « deux députés ont déposé une proposition de loi visant à « faciliter le recours à des bâches publicitaires pour financer les travaux au sein des monuments culturels. Il s’agit d’une reprise d’une disposition de la loi de finances pour 2024, censurée par le Conseil constitutionnel. » Enfin elles s’interrogent sur la façon dont seront recyclées ces immenses toiles. Des limites existent, ainsi le CMN (Centre de monuments Nationaux) a refusé quant à lui que de la publicité soit affichée sur le Panthéon durant sa restauration.   

Restons cependant humbles et lucides en la matière. Avons nous encore les moyens de faire la fine bouche lorsqu’il s’agit de financer la restauration de nos nombreux monuments ? Attendre des financements publics devient une gageure. Il faudra donc trouver d’autres moyens pour réunir les fonds nécessaires si l’on veut éviter que tout tombe en ruine.   

 

Sources : Article du journal  Le Monde du 06 mai 2014, Le Figaro du 02 juin 2024. Quotidien « Maire Info » du 13 mai 2024

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