La municipalité du IIIe arrondissement a fait éditer en 1933 par Draeger Frères, un recueil intitulé « Le troisième arrondissement à travers l’histoire » qui comporte plusieurs chapitres dont une promenade au temple, les Hôtels de Clisson de Guise et de Rohan-Soubise, le prieuré Saint-Martin-des-Champs, les grands boulevards limites du IIIe arrondissements, les vieux Hôtels du Marais. Associé à un groupe d’érudits pour rédiger cet ouvrage, le poète Charles Clerc (1879-1960) qui fut lauréat du prix Sully-Prud’Homme et historien de Georges de Scudéry a imaginé, sous le titre « Un samedi au Marais », de ressusciter Madame de Sévigné et de faire assister le lecteur, en sa compagnie à une réunion où le Marais et ses hôtes de marque font les frais de la conversation.
En voici quelques extraits.
Ce qu j’aime dit-elle en ce coin de ¨Paris,
C’est que la campagne y est d’un choix sans prix.
De tous les beaux esprits comme pour leur mérite,
Il est le rendez’vous,la place favorite,
– Vous souvient-il, poursuit Madame de Sablé,
Que notre cher Scarron restait inconsolé
D’avoir dû s’éloigner de la Place Royale?
– C’est une promenade à coup sûr vans rivale,
Corneille en est garant. – Où rencontrerait-on
Plus de noblesse, et d’élégant et de bon ton?
– Eh là! risque Segrais, qui vit en Normandie,
Notre province aussi vaut bien qu’on l’étudie !
_ Connaissez-vous à Caen nombre d’hôtels qui sont
Du style merveilleux de l’hôtel de Clisson ?
Repart tout aussitôt la blonde Deshoulières.
_ De leurs hôtes princiers nos demeures sont fières,
Surenchérit Saphô; je ne vous citerai
Que lez Guise, les Retz, les Rohan, les Souvré.
Je tiens – n’êtes-vous pas de cet avis marquise ?
Qu’en tout autre quartier l’esprit se dépayse…
Mais un nouveau venu se joint à l’entretien, c’est Jean de la Fontaine.
« …En entendant nommer ce Jacques de Souvré
Qui s’était fait bâtir au temple un prieuré
Où le faste régnait, des salons à la table,
Il sourit, égayé d’un songe délectable,
« Je l’aimais bien dit-il. Vous souvient-il encore
Comme on dînait chez lui! Quel regret qu’il soit mort! »
Saphô dont les bergers n’ont cure du vignoble,
Ramène les propos vers un sujet plus noble.
« Le Marais vous plaît-il ? risque-t-elle à son tour.
Aimez-vous son théâtre? Y verrons-nous un jour
Un nouveau Mondary ? » Sur ce, louange ou glose.
Mais La Fontaine seul ne dit mot. Et pour cause :
Il rêve… A Sévigné de piper l’étourdi :
« Je fus au Temple, bien malgré moi, mercredi.
La vue y est fort belle, il sied qu’on en convienne;
Cette campagne-là pourtant n’est pas la mienne.
Il y manque la paix des champs, l’essentiel.
Montfaucon est trop près – et me gâte le ciel… »
Songez-vous dit Ménage,
A ce que notre cher quartier va devenir Dans un siècle ou dans deux? – Secret de l’avenir!-
Pour toutes ces personnes c’était le temps de l’insouciance…