Bordée de pas moins de 27 hôtels particuliers dus pour la plupart aux architectes Jacques Gabriel ou Jules Hardouin-Mansart (mais aussi à Robert de Cotte, à Germain Boffrand le créateur de la place Stanislas de Nancy ou à Armand Claude Mollet), la place Vendôme est unique par son classicisme, son unité et la concentration des activités de luxe. Elle fait l’admiration du monde entier.
C’est justement Mansart qui l’a conçue selon un plan urbanistique décidé en 1699 et auquel chaque propriétaire était tenu pour la construction des hôtels particuliers. Il s’agissait à l’époque d’une opération de spéculation immobilière dont Mansart avec Louvois devenu propriétaire de l’Hôtel Vendôme étaient les principaux acteurs. La construction des bâtiments publics envisagée un temps se transforme rapidement en opération privée. De forme carrée aux pans coupés aux angles, la place est ceinturée de bâtiments à la façade uniforme et sans arcades, ils « sont couverts d’un toit brisé dont le comble est percé à l’origine d’une alternance d’œils-de-bœuf et de lucarnes (les œils-de-bœuf ont pour la plupart été remplacés par des lucarnes au XIXe siècle) ».
Rarement une place a reçu autant de noms successifs. D’abord appelée place des Conquêtes, puis place Louis le Grand, place Vendôme et place des Piques à la Révolution, ensuite place Internationale, elle ne redevint place Vendôme qu’après la Commune. Vendôme est en fait le nom du Duc de Vendôme, fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, qui occupait l’hôtel particulier éponyme qui couvrait avec ses jardins le terrain occupé aujourd’hui par la place et les bâtiments qui s’y trouvent.
La statue équestre de Louis XIV de Girardon, détruite en août 1789, ne fut remplacée par la célèbre colonne qu’en 1810, colonne coulée avec les canons pris à l’ennemi. La colonne, œuvre de Dumont a été restaurée à la suite de sa mise à terre pendant la Commune en 1871. Gustave Courbet fut parmi les insurgés et lourdement condamné, notamment à payer la restauration. Le bas-relief qui y figure représente la campagne de 1806 de Napoléon dont la statue à l’extrémité de la colonne fut plusieurs fois changée.
La place fut le centre de la mode avant de devenir celui de la joaillerie et à l’instar de beaucoup d’entre elles, fut, faut-il le rappeler, transformée en parking en 1968…
Il est difficile de décrire en détail chacun des hôtels particuliers qui forment la place et dont beaucoup ont été classés monuments historiques dans les années 20 et 30. Soulignions que plusieurs d’entre eux abritèrent des célébrités. Les hôtels contigus n° 3 et 5 sont la résidence du sultan de Bruinei. Le président de la République, futur Napoléon III, s’installa dans l’Hôtel Heuzé de Vologer au n° 4. Au n° 6, dans l’Hôtel Thibert des Matrais résida pendant 50 ans Henri Salvador. Le frère de madame de Pompadour occupa l’Hôtel Delpech de Chaumont au n° 8. Chopin avait un appartement au n°12 Hôtel Baudard de Saint-James. Le banquier Law fut successivement l’hôte des Hôtels de Gramont (n° 15) et de Boullongne (n° 23).
Outre les grandes maisons de joaillerie, des établissements financiers et quelques cabinets d’avocats, la place abrite au 13, dans l’Hôtel de Bourvallais datant de 1699, le ministère de la Justice. Il a été réuni avec le n°11. La façade présente une curiosité. Installé en 1795, un mètre étalon en marbre était censé habituer les habitants à cette mesure nouvelle.
Le fameux Ritz est au n° 15 il occupe l’Hôtel de Gramont et a fait récemment l’objet d’une importante campagne de restauration.
Mentionnons l’Hôtel Crozat au n° 17 qui abrita, du temps de son illustre propriétaire, la fameuse collection Crozat vendue en 1771 à Catherine II de Russie, Diderot ayant servi d’intermédiaire. Elle est exposée maintenant au musée de l’Ermitage. Au début du XIXe siècle, la Chancellerie s’installa un temps dans le bâtiment. Depuis 1998 il est devenu une extension du Ritz.
« La statue de Louis XIV avait été inaugurée en grande cérémonie, le13 août 1699. Il n’y avait à cette date que des façades sans maisons sur la place et toutes ne jouaient pas la pierre avec du bois et de la toile peinte, à la façon des décorations de théâtre … elles avaient l’air de ne se tenir droites, comme un gigantesque paravent, que grâce à des angles formés par leurs châssis incomplètement ouverts… »
(Notice de 1860, LEFEUVE, « Les anciennes maisons de Paris »)