La rue Quincampoix garde le souvenir de Law

Dans le cadre de nos conversations, il arrive que des faits historiques pourtant majeurs, soient ignorés alors qu’ils ont pesé sur le cours de l’histoire. Notre arrondissement regorge de tels événements que le temps n’a pas toujours effacés, ne serait-ce que le nom des rues de quartiers, des plaques apposées sur certains immeubles et des souvenirs exposés souvent dans les musées proches.

A cet égard et compte tenu de l’actualité sur les difficultés de banques américaines et suisses nous souhaiterions évoquer ce que fut la « banqueroute de Law » durant la Régence en 1720, la première faillite de l’histoire bancaire qui soit parvenue jusqu’à nous.
John Law naît en 1671 en Ecosse d’un père œuvrant dans les métaux précieux et les prêts d’argent. Addicte aux jeux d’argent, ayant tué un rival en duel il se trouve condamné à la prison à vie et réussit à s’enfuir aux Pays-Bas et dans différents pays dont la France. Sa frénésie du jeu le reprend, il spécule aussi sur les marchés et fort de son expérience, il se fait connaître par des écrits sur le thème de l’économie politique.
A l’époque les caisses du royaume sont vides (déjà !), cherchant par tous les moyens à les renflouer, les responsables essaient de trouver la meilleure solution. C’est ainsi que Law juge que seule la croissance générera davantage de rentrées fiscales. Pour cela il préconise d’augmenter significativement la masse de monnaie en circulation au travers d’une banque qui émettra des billets. Entré en contact avec des proches de Philippe d’Orléans, le Régent, Law est autorisé par édit en mai 1716 à ouvrir une banque, la Banque Générale, rue Vivienne puis rue Quincampoix.
« La banque connaît un succès immédiat ». Nobles et bourgeois y déposent des fonds. « Le 10 avril 1717, un nouvel édit élargit les privilèges de la banque : les billets qu’elle émet » (on estime le montant à 150 millions de livres) « convertibles en or, peuvent être reçus en paiement des impôts ». Ce qui en facilite la circulation. « En 1717, il fonde la Compagnie d’Occident qui obtient le monopole du commerce avec la Louisiane. La Banque générale devient Banque royale le 4 décembre 1718, les billets de banque étant ainsi garantis par le roi. En 1719, il y réunit d’autres sociétés de commerce pour créer la Compagnie perpétuelle des Indes ». Il pratique déjà ce que l’on appelle communément aujourd’hui les fusions acquisitions « Les actions de sa compagnie peuvent être souscrites par apports de rentes sur l’Etat ou par paiement comptant et la banque accepte de prêter des billets à cette fin. En juillet 1719, la compagnie reçoit le monopole d’émission de la monnaie en France. En octobre, enfin, elle reçoit les recettes générales. » Mais Law souhaite intégrer les deux institutions. La monnaie serait gagée non plus sur des immeubles, mais sur les revenus de l’État, qui seraient collectés par la Banque.
5 succursales sont ouvertes en province. Law se retrouve alors à la tête d’un ensemble qui contrôle une bonne partie du commerce extérieur de la France. D’émissions en émissions de titres, avec des droits attachés, afin de suivre le développement de son groupe, le financier restant avant tout un parieur, le succès du système mis en place ne se dément pas mais une bulle spéculative est en train de naître. Voltaire parle alors de « moulins à papier »!
Non satisfait des avantages concédés, Law obtient du Régent le monopole de la collecte des impôts ce qui n’est pas rien. Il réussit aussi à substituer les actions de sa compagnie à la dette publique, actions qui garantissent le capital de la banque. La rue Quincampoix devient le centre de la spéculation, on y vend des billets de banque contre des actions, les étrangers affluent pour participer au phénomène. Devenu contrôleur des Finances les cours s’emballent et ce qui est invraisemblable, la masse monétaire passe de 400 millions à 1 milliards de livres en l’espace de 6 mois en 1719! Pour arrêter la machine en surchauffe Law institue un mécanisme de prime mais rien n’y fait! Lorsque le Régent, réalisant à cette occasion une belle plus value, revend un paquet significatif d’actions cela est vu comme une perte de confiance dans le système.  Law a beau faire marcher la planche à billets pour maintenir la confiance, il est déjà trop tard. La masse monétaire en billets est 4 fois supérieure à celle de la masse monétaire!
Voulant sauver le système en décrétant la dévaluation des actions et des billets Law est déjugée par le Régent qui l’assigne même à résidence. Puis la panique s’installe, les émeutes se multiplient, la rue Quincampoix est l’objet d’émeutes mais le krach est déjà là avec sa cohorte de conséquences. On brûle les billets devenus sans valeur.  Law vilipendé préfère partir en Allemagne. Il meurt à Venise en 1729,  3 ans après sa chute.
Law a voulu changé le système et installer les prémices d’une autre manière de gérer les finances publiques mais il a échoué. Il était sans doute en avance sur son temps sans les garde-fous nécessaires?
Sources: Wikipédia, La Finance pour tous  du 30 janvier 2023 et 2 articles de Guillaume Perraultdu Figaro des 21 et 22 mars 2023

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