Le précieux rouleau de l’interrogatoire des Templiers exposé aux Archives nationales

Dans le cadre des cycles d’expositions appelées « Les Remarquables » portant sur  des documents mémorables, émouvants et étonnants et après le cycles « Les Essentiels » (*), les Archives nationales offrent actuellement au public la possibilité rare de découvrir le rouleau d’interrogatoire des Templiers, emprisonnés à Paris en 1307.

« Ce document plonge le visiteur dans l’une des plus grandes « affaires » de l’Histoire : le procès de l’ordre du Temple, lancé à l’instigation du roi de France, Philippe IV le Bel. Le rouleau consigne les interrogatoires de 138 templiers par l’inquisiteur du royaume de France. Plus de sept cents ans après les faits, il permet de ressentir, avec la même intensité, le poids des mots et la violence des actes, au sein d’une lutte politique implacable dont l’intensité criminelle ne pourra que fasciner le public contemporain.« 

Le journaliste Gérard de Sède, écrivait en 1962 que  » l’affaire  des Templiers (ainsi dénommée, déjà, par ses contemporains) continue de frapper l’imagination. En cinq ans, en effet, de l’automne 1307 au printemps 1312, l’ordre a été proprement balayé, à l’issue d’un procès instruit entièrement à charge, qui a entraîné la suppression du Temple, puis la mort tragique par le feu, à Paris le 11 mars 1314, du dernier grand maître de l’ordre, Jacques de Molay. Non moins fascinante est la malédiction, jugée prophétique, que Jacques de Molay aurait prononcée sur le bûcher à l’encontre de ses persécuteurs (le roi Philippe IV le Bel et le pape Clément V) » morts peu de temps après..

« Jamais une institution d’Église si puissante n’avait été abattue de la sorte. Les Templiers, apparus à Jérusalem en 1120, ont été reconnus par l’Église neuf ans plus tard, en 1129, au concile de Troyes, où une règle leur a été donnée. Ils sont ainsi devenus le premier ordre religieux-militaire de l’histoire. La défense de Jérusalem et des États latins d’Orient a fait d’eux une puissance majeure. À la fin du XIIIe siècle, en dépit du recul des Latins en Terre sainte, leur ordre reste plus puissant que tous ceux qui l’ont imité, fort d’un réseau de centaines de commanderies réparties sur vingt-cinq provinces. Loin d’être impopulaire, le Temple n’était pas voué à disparaître. Il a été victime du conflit engagé par Philippe le Bel avec la papauté. Le procès des Templiers est un procès politique exemplaire. »

« Le rouleau a été conçu pour frapper les esprits. Il mesure plus de 22 mètres (**). 44 membranes de parchemin, provenant de 22 peaux de chèvre coupées en 2, ont été cousues par des fils de lin, sur l’emplacement desquels, afin de montrer que toute falsification était impossible, ont été apposés les seings de quatre notaires… Philippe le Bel, conscient d’outrepasser le droit, avait dès le départ associé étroitement l’inquisiteur à l’action lancée contre le Temple, pour manifester qu’elle était soutenue par l’Église. Au total, sous la torture ou la menace de celle-ci, 134 des 138 templiers ont avoué tout ou partie des crimes dont ils étaient accusés. »  En fait  » la fonction politique du rouleau est de légitimer le coup de force du roi : montrer que le droit n’a été violé dans la forme… que pour mieux être défendu, sur le fond.« 

«  Ce rouleau, plus que tout autre source peut-être, oblige à s’interroger. Que penser d’un tel document ? Comment le lire et l’interpréter quand on sait la contrainte dont il procède ? Peut-on chercher valablement à y démêler le faux du vrai, à sérier entre ce qui peut être cru et ce qui ne saurait l’être ? En réalité, la question n’est pas du tout de savoir si les frères étaient innocents des accusations d’hérésie portées contre eux, mais pourquoi et comment ils ont été regardés comme coupables. »

Selon l’historien Julien Théry « …Philippe le Bel voulait imposer une « religion royale » française. Il fallait alors abattre cette « damnable secte des Templiers » pour démontrer la toute-puissance du roi et intimider l’Église romaine. » Et « le rouleau d’interrogatoire dévoile le conflit latent entre le roi de France et le pape. Il est remarquable à plusieurs égards : par le nombre de personnes impliquées… son excellent état de conservation, et la quantité de témoignages accablants qu’il renferme (seulement quatre n’ont rien admis)« .

 

(*) Les visiteurs ont ainsi pu découvrir les originaux de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, du décret d’abolition de l’esclavage de 1848, de l’ordonnance de 1944 instituant le droit de vote des femmes et de la loi de 1981 portant abolition de la peine de mort.

(**) Seuls 3 m de rouleau seront visibles par le public (voir photographie illustrant cet article).

 

Des conférences gratuites mais sur inscriptions en ligne auront lieu en novembre et décembre à l’Hôtel de Soubise les samedis 18 novembre, 2  et 9 décembre à 14h30.

Jusqu’au 15 janvier 2024. 60, rue des Archives (ex 4e). Tous les jours de 10h00 à 17h30, samedi et dimanche 14h00-19h00, sauf mardi et jours fériés.

Sources : texte de présentation de l’exposition par les Archives nationales 

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