Le 69 de la rue Réaumur

La rue Réaumur est un exemple intéressant d’architecture e la fin du XIXe et du début du XXe siècles, ce que nous avons déjà explicité dans un article consacré à l’immeuble cathédrale aux allures anglo-saxonnes situé au no 63 qui est toujours en réfection.
Le bâtiment qui nous intéresse aujourd’hui est celui du no 69 à quelques mètres du précédent, il est lui aussi en réfection. Une société spécialisée dans l’investissement et l’asset management d’actifs immobiliers, ÆRIUM, l’a acquis en 2018, sans doute pour le compte d’un de ses clients (coût de l’opération 14 millions €) et dans le but de le louer à un locataire unique. Sa structure aérée en pierre et métal, sa façade imposante avec de belles ouvertures (notamment à partir du 2ème étage) et sa verrière laissent imaginer qu’il fut édifié pour y installer des ateliers avec certainement de grandes surfaces d’entreposage. Il tranche d’ailleurs avec les immeubles voisins où la pierre est davantage utilisée, 
A l’origine ces installations ont été conçues pour abriter un atelier de typo gravure nécessitant beaucoup de lumière. Construit en 1898 et dessiné par l’architecte Ernerst Pergod (1844-1912) (des dessins sont dans les collections du musée d’Orsay). l’édifice a une vocation industrielle et commerciale.
Que peut-on dire sur les caractéristiques de cette construction ? Elle prône, tout en utilisant la pierre, le métal qui est alors roi dans le bâtiment en commençant par sa légèreté. Elle s’écarte aussi du style Haussmannien par trop normé alors (*). La verrière par exemple tout en métal ressemble à une serre, elle proviendrait de l’atelier Eiffel. Sortir des sentiers battus avec une grande créativité tel était donc le canon en cette fin de XIXe-début XXe siècles où régnait une certaine opulence, notre pays connaissait alors un fort développement et disposait d’une économie florissante, laissant néanmoins de côté des classes entières de la population qui n’en partageaient pas les bénéfices.
Modernité et créativité, mais aussi solidité et esthétique ont guidé les architectes de cette fin du XIXe siècle. Puisse ce riche passé, de ce qui fut une réussite architecturale incontestée, inspirer décideurs et architectes contemporains afin que notre capitale et nos quartiers, auxquels nous sommes tant et tous attachés, ne perdent pas leur âme.

(*) En 1902 le nouveau règlement d’urbanisme parisien a confirmé la rupture avec l’architecture haussmannienne jugée trop codée et figeante, au profit d’une ville nouvelle valorisant alors la primauté de l’espace et des monuments publics par rapport à l’immeuble de rapport que beaucoup d’architectes jugeaient privé de toute fantaisie architecturale. Cette révision amorcée dès 1882 s’est considérablement amplifiée au début du XXe avec d’un coté, le développement de l’éclectisme et du pittoresque y compris ses excès esthétiques et de l’autre celui de l’architecture métallique. D’abord masqué par la pierre d’habillage le métal fut progressivement assumé comme tel et mis en évidence. A partir de 1895, le percement de la rue de Réaumur a servi de laboratoire à ces idées nouvelles et a permis la création d’immeubles mixtes d’habitations et d’activités commerciales ainsi que la création du métro au centre de cette voie nouvelle Le renard parisien (28/11/2015).

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