Le Paris que ne reconnait plus Tahar Ben Jelloul

Dans Le Point daté du 1er Août l’écrivain Taha Ben Jelloul fait part de son désarroi face à l’évolution de Paris « la plus belle ville du monde » où régnent plus  que jamais les difficultés de circulation, « l’absurde », un air de plus en plus pollué  et les désagréents de la RATP et des taxis. Un Paris qu’il ne reconnait plus.

Nous publions in extenso l’article cité où chacun retrouvera malheureusement les évolutions que nous estimons pour la plupart défavorables pour notre capitale. 

« Rien ne va plus. Paris est devenue une ville impraticable. En plus des travaux entamés et inachevés, la Mairie a décidé de nouveaux tracés pour une circulation en dépit du bon sens, ce qui provoque de plus en plus d’embouteillages et augmente le taux de pollution.

Je n’ai jamais compris ce que la Mairie a fait place de la Bastille. Avant, la circulation était fluide ; les voitures circulaient dans le bon sens. Voilà que l’on a changé le sens et dépensé un argent fou pour compliquer ce qui était simple. Il en est de même boulevard du Montparnasse et dans d’autres artères. On ne sait plus dans quel sens viennent les voitures et surtout les bus. Les piétons, surtout les personnes âgées, sont déboussolés.

Comme d’habitude, certains syndicats choisissent leur moment pour empêcher les gens de partir en vacances ou rendre les départs difficiles. C’est devenu une tradition. Ils pensent que l’État aura pitié des usagers et cédera à leurs exigences. Or c’est toujours le même cirque. Les syndicats sont nécessaires et leur rôle est important dans une démocratie. Mais on leur demande d’avoir un peu d’imagination et de changer leurs moyens de pression.

Le règne de l’absurde

Les aéroports sont méconnaissables. Ce sont des souks la veille de grands événements. Tout le monde a l’œil rivé sur le tableau des départs. On y lit plus de « retardé » ou « annulé » que de « prévu à l’heure ». N’empêche, le Covid fait des siennes et les gens oublient de porter un masque.

Au départ d’Orly, le manque de personnel est l’excuse que l’on entend le plus. Il est vrai qu’un guichet sur deux est fermé. Quand on sort de là, au retour d’un voyage, on se dirige vers la porte des taxis. Vous avez un millier de voyageurs qui font la queue. Les voitures arrivent au compte-gouttes. Cinquante-sept minutes d’attente le 29 juin entre 23 heures et minuit. Le chauffeur nous dit que lui aussi attendait dans un parking depuis des heures. C’est le règne de l’absurde.

Tout est mal géré, non synchronisé. Avant les transformations d’Orly, l’attente était raisonnable. L’approche des quatre aérogares est devenue compliquée. Une folie imaginée par des ingénieurs qui ignorent la simplicité.

Il faut ajouter à cela la nervosité des gens fatigués par le voyage et la chaleur.

Un air toxique

À Paris, les gens ne s’aiment pas, ne se respectent pas. L’agressivité est générale, elle est dans l’air. On se surprend soi-même en train de râler et de mal se conduire. L’air que l’on respire est toxique, il nous rend nerveux.

La RATP nous fait souffrir. Entre un bus et un autre, l’attente dépasse souvent les vingt minutes. Quand le bus tant attendu arrive, le conducteur vous prévient souvent qu’il arrête son service à mi-chemin. À vous d’attendre le suivant. Le bus est lui-même victime de la politique de circulation stupide de la Mairie de Paris. Les embouteillages et les déviations pour travaux sont partout. Pas une seule artère où la circulation est fluide. Non, il faut que l’automobiliste soit puni et renonce à prendre sa voiture, même si c’est son outil de travail. À côté de cela, les trottinettes sortent de toutes parts et certaines ont causé des accidents graves.

Le métro, pas très propre, fonctionne plutôt bien. De temps en temps, il y a des arrêts soudains. Tout le monde descend. Je crois que c’est le seul pays au monde où une voix enregistrée en plusieurs langues vous prévient qu’il y a des pickpockets dans les voitures.

Pour les taxis, il vaut mieux être abonné pour être servi assez rapidement. Sinon, c’est la galère. Même les Uber commencent à vous balader puis vous envoient un message : « Pas de voitures dans le secteur ; recommencez votre commande. » Si vous oubliez d’annuler, vous serez taxé de 7 euros.

Les restaurants manquent de personnel. Depuis la pandémie, nombre de serveurs n’ont pas repris leur travail. Tout le monde est sur les nerfs. La qualité s’en ressent et les prix ont flambé.

La plus belle ville du monde est ainsi maltraitée, mal aimée, mal gérée. Ce qui est extraordinaire, malgré tout cela, c’est que des millions de touristes ne se découragent pas et continuent de venir des quatre coins du monde la visiter tout en supportant tout ce qu’on leur fait subir d’inconvénients et de mauvaise humeur.

Paris n’est plus une fête. Et c’est très dommage. »

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