Un nouveau rapport de la Cour des Comptes qui alerte cette fois sur l’impréparation face aux grandes crues vient d’être récemment publié. La région francilienne serait dans le viseur. Le manque d’investissements des collectivités locales en serait la principale cause.
Une situation d’autant plus paradoxale alors que nous sortons à peine d’une période inédite de sécheresse, d’autres étant annoncées! La crue de 1910 (la Seine avait atteint alors le niveau de 8,62 m) refait surface à cette occasion (voir notre article du 21 septembre 2021). La Cour des comptes avance un coût potentiel de 30 milliards d’€ (données de l’OCDE) pour davantage prévenir ce risque.
Rappelons que les dernières crues d’importance remontent à 2016 et 2018 (les niveaux de la Seine étaient respectivement de 6,10 m et 5,85 m).
La Cour des comptes souligne que seulement 23 millions d’€ sur les 65 millions budgétés par la région Ile de France pour lutter contre les inondations ont été dépensés sur la période 2009-2021. Elle s’étonne du peu de considération pour ce risque pourtant bien réel en raison notamment « des remontées de nappe ou des ruissellements » responsables « d’un tiers des dommages assurés en Île-de-France ».
Selon la juridiction financière, Paris serait moins bien protégée que certains de nos voisins étrangers en particulier Londres. Elle estime possible le retour d’une grande crue dans les 10-20 ans. Ce qui peut paraître bien lointain pour nos responsables qui pratiquent une gestion « courtermiste » et non coordonnée (en particulier autour du bassin de la Seine), autre reproche de la Cour des comptes. Elle demande une meilleure prise de conscience de la part des décideurs autour d’un pilote, la région plus spécifiquement, et la mise en place d’objectifs ambitieux. Les Franciliens (14% des communes ont 50% de leurs résidents en zone inondable) n’ont semble t’il pas conscience de la gravité des crues qui ont coûté 1,6 milliards d’€ de dommages en 2016.
Au final la Cour de Comptes préconise « de rendre toutes les informations disponibles sur les risques d’inondation accessibles aux particuliers, aux administrations et aux entreprises, de renforcer les actions de sensibilisation et de vérifier régulièrement le niveau de perception du risque d’inondation par la population francilienne« . Elle souhaite que soit mise en place « une base de données sur l’état d’avancement des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), accessible au public au plus tard en 2025« . Enfin, elle demande aux collectivités, en fonction des objectifs de réduction des risques qui seront fixés, de dimensionner les financements correspondants.
Tout cela suppose de « remettre aux normes 120 kilomètres de digues et murettes (70% sont en mauvais état) (*) soit un coût estimé de 2 milliards d’euros sur les trente prochaines années » et d’avancer sur d’autres chantiers importants comme celui déjà engagé de contenir (par pompage des eaux de la Seine) toute éventuelle crue à la confluence de la Seine et de l’Yonne (coût: 600 millions €), l’impact environnemental devant être analysé. L’Etat et le Fonds européen de développement et la taxe inondation (**) dite Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) contribueront au financement.
Pour la Cour des comptes la réglementation existante est à durcir. Il faut savoir en effet qu’entre 2000 et 2018, dans les 13e et 15e arrondissements de la capitale, près de 6.000 logements ont été construits en zones inondables ! Raison de plus pour que l’Etat renforce aussi ses contrôles et qu’un chef d’orchestre soit nommé « pour inciter toutes les parties prenantes à agir. »
(*) Gestion qui est passée depuis 2014 des départements à la Métropole du Grand Paris
(**) Soit par habitant, de 0,47 € à Paris à 4,25 € en moyenne en Seine-et-Marne, ou encore de 6,66 € en Essonne. Une augmentation apparaît inévitable dans les prochaines années.