Les immeubles pastillés soumis au conseil de Paris

Le 26 février 2024 nous avons publié, en relation avec le projet de PLU (Plan Local d’Urbanisme) un article concernant le pastillage des immeubles parisiens intitulé « Votre immeuble est-il pastillé ?« , une  nouvelle idée lancée par nos élus.  Nous expliquions alors qu’il s’agissait d’un tour de passe passe de la mairie par lequel « la ville pastille un bien puis, sous prétexte d’urgence climatique, de manque de logements et du leitmotiv de mixité sociale, elle applique une règle contraignante qui oblige le ou les propriétaires, en cas de gros travaux, d’extension dans leur immeuble, à affecter une partie des surfaces en logements sociaux. »

Après révision de la liste lancée alors au visage des propriétaires médusés et mécontents par cette préemption immobilière potentielle déguisée, 120 pastilles ont été retirées, mais il reste toutefois encore 828 immeubles (c’est énorme) dans le viseur de la mairie qui soumet ce dossier au conseil de Paris réuni cette semaine. Raison pour laquelle ce dossier revient sur le devant de la scène dans le cadre plus global du « plan local d’urbanisme bioclimatique ».

L’analyse de cette liste d’immeubles frappés d’une pastille montre que ce sont surtout les 8e (100 immeubles retenus) et 16e qui sont visés. Rappelons les règles auxquelles seront soumis les immeubles « sélectionnés ». La mixité sociale y est imposée pour tout projet de plus de 5 000 m2. Il devra alors consacrer 10% de sa surface à des logements, créer une « zone d’accélération de la solidarité » (?), permettre le rééquilibrage Ouest Est en terme de logement social afin d’atteindre 40% de logements publics en 2035 (30% de logements sociaux soit 3 900 logements nouveaux par an et 10 % dits abordables). Par quel miracle la transformation des bureaux en logements pourra t’elle se faire lorsque l’on sait qu’il n’y a rien de plus complexe  (voir notre article du 5 novembre dernier) ?

Outre les raisons climatiques, la mairie justifie ce choix en invoquant le fait que ce projet a fait l’objet d’une  longue concertation…! On sait ce que signifie concertation du côté de l’hôtel de ville. Comme à l’accoutumée, n’en doutons pas, il s’agit plutôt d’une parodie de concertation puisque nombre de propriétaires affirment ne pas avoir été consultés d’où leur réaction qui a conduit à la baisse du nombre de pastilles. Ou alors s’agit-il tout simplement d’assimiler l’enquête publique du début d’année à une concertation. L’enquête a recueilli 10 000 contributions ! Un record qui démontre bien que le côté dogmatique, voire collectiviste de la décision ne passe pas auprès des propriétaires dont des congrégations religieuses, des écoles privées (exemptées de pastille depuis, suite une pétition ayant rassemblé 13 600 signatures) et non les écoles publiques gérées par la ville de Paris (?), des institutionnels et des entrepreneurs (300 immeubles de bureaux ont conduit à des contestations !).  Les commentaires figurant dans le rapport sont édifiants, « vision simpliste« , « déconnectée de la réalité« , « hold up« … »gaspillage d’argent public et perte de m2  » pour les immeubles de bureaux récemment rénovés et qui ne seront pas aux normes pour accueillir des logements sociaux. Quid aussi des immeubles classés qui ne sont pas adaptés pour ce type de logements ? Et puis gérer des logements sociaux est un métier, ce n’est pas aux propriétaires malchanceux de s’ériger en gestionnaires de ce secteur.

Quelles vont être les conséquences de cette décision si elle est appliquée ? Tout d’abord une dévalorisation des immeubles visés, la remise aux calendes grecques de travaux pourtant essentiels donc un manque d’entretien, le départ d’entreprises situées dans des biens pastillés préférant s’installer dans la banlieue proche exempte des contraintes toujours plus nombreuses imposées par la municipalité parisienne. Un mouvement qui réduit l’importance du secteur tertiaire et les recettes qu’il procure à la ville. Nos édiles étant plus portés sur le développement éperdu du tourisme et de la fête (voir le dernier n° du bulletin municipal de Paris « A Paris. Le magazine » d’automne 2024 certes consacré aux JO mais qui affiche en première page « Paris est une fête« !!). Enfin ne nous voilons pas la face, la mairie pense pouvoir racheter ces biens tôt ou tard dans de bonnes conditions avec l’argent de nos impôts quitte aussi à emprunter à long, voire plutôt très long terme compte tenu de ses finances.

Finalement est-ce que le droit des propriétaires n’est pas battu en brèche par ce choix de nos élus municipaux ? Des contentieux sont à prévoir. Par ailleurs, la ville a t’elle tant besoin d’augmenter la taille de son patrimoine immobilier ? Il est probable, à l’avenir, qu’elle doive s’en délester, ce n’est pas son rôle de se transformer de la sorte en si gros investisseur et propriétaire.

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